Ouverte en décembre, cette partie du musée intitulée Qu'est-ce que tu fabriques est consacrée à l'histoire de Lyon « industrielle et ouvrière ». Elle fait suite aux salles ouvertes précédemment : les symboles de la ville en 2019 (Portraits de Lyon en rez-de-chaussée) et la vie avec le Rhône et la Saône, avec Les pieds dans l'eau en 2021. En 2023, une ultime étape axée sur le pouvoir et la citoyenneté achèvera cette rénovation de fond en comble du Musée d'Histoire de Lyon.
Si jusque-là la frise chronologique remontait aux gallo-romains, ces six salles couvrent les cinq siècles et demi qui nous relient à la Renaissance. Une introduction rappelle l'importance des foires dont Lyon fut une capitale pour les épices et la soierie. On découvre même une médaille de bronze sur laquelle est représentée un certain Thomas II Gadagne, membre de la famille des Guadagni « illustres marchands-banquiers italiens » qui devient échevin de la Ville et conseiller de François Ier.
Ensuite, c'est l'histoire de la « Grande Fabrique » qui se déploie. Comment ne pas accorder une large place non seulement aux machines (la splendide grande tire et la mécanique Jacquard de type Vincenzi, qui permettent d'appréhender concrètement cet art avec le tableau contigu d'un Intérieur d'atelier de canuts d'Alexis Balthazar) mais aussi à celles et ceux qui les possèdent et les activent, les soyeux et les canuts ?
Les rapports hiérarchiques et les révoltes — celle de 1831 étant la première d'ouvriers en France — sont rendus concrets par exemple par ce tableau de bois de « secours mutuels » d'une société qui palliait l'interdiction des corporations et des associations afin d'organiser les luttes revendicatives avec déjà (!) des épiceries solidaires.
Si les textes des panneaux sont courts, d'autres, plus longs, sont à découvrir en feuilletant des carnets plastifiés expliquant la création du conseil des Prud'hommes en 1806. Ou à écouter à travers des personnages témoins fictifs comme Gabrielle, ado de la Renaissance, Jeanne-Marie cheffe d'atelier et Saïd, ouvrier algérien, coffreur sur le chantier de la Part-Dieu dans les années 70.
Les canuts, Uber du XIXe siècle
La grande force de ce parcours sur Lyon industrielle est de mener à nos décennies, en passant de longues minutes à tourner les pages d'un livret des usines Berliet, en regardant la reproduction d'une lithographie des Archives municipales — passionnante et minutieuse — recensant toutes les industries à Lyon en 1932 (cherchez votre rue !) ou les magnifiques affiches-réclames du début du XXe. Et même en évoquant l'histoire atypique de l'usine-pensionnat pour jeunes filles des établissements Bonnet à Jujurieux.
À coté de photos de la vallée de la chimie, c'est l'évolution vers la sous-traitance et les externalisations, les emplois saisonniers, qui sont évoqués. Un très instructif système d'écran permet de voir comment ont été reconvertis des sites industriels tels que la manufacture des tabacs du 2e (l'actuel lycée Juliette-Récamier), l'usine Rochet-Schneider-Zénith du 8e (devenue Compagnie du Tour de France), la Compagnie générale des câbles dans le 7e (où se sont installés provisoirement Superposition et la Cité des Halles), l'usine Rivoire et Carret dans le 9e (siège de la Villa Creatis), la halle Girard (H7).
Dans cette dernière salle, des portraits d'ouvriers pilotés par le collectif lyonnais Item occupent une grande partie de l'espace, comme, plus en amont du parcours, un montage de vidéos présentant les luttes ouvrières de 1936 à 1979. C'est ce qui s'appelle tenir sa ligne.
Qu'est-ce que tu fabriques ? (parcours permanent)
Au musée Gadagne