Mars : Portraits de femmes

Panormama ciné / Le mois portant le nom du dieu de la guerre (et donc lesté d'une forte charge virile) est devenu celui accueillant la Journée internationale des droits des femmes. Par osmose ou opportunité, quantité de films menés par des héroïnes se retrouvent en première ligne sur les écrans de mars...

Fortes et déterminées à faire valoir leurs droits en dépit des intimidations ou des violences, les femmes de mars s'imposent dans tous les registres. Telle La Syndicaliste (le 1er) retraçant le calvaire de la lanceuse d'alerte Maureen Kearney campée par Isabelle Huppert, accusée d'avoir inventé l'agression abjecte dont elle avait été victime et qui tint bon. Si le film est aussi réussi, c'est grâce à la manière dont Jean-Paul Salomé met en scène l'exploitation du doute visant à discréditer une gêneuse.

Dans Houria de Mounia Medour (le 15), une danseuse algérienne également agressée se reconstruit après son choc traumatique en aidant d'autres femmes cabossées à rapprivoiser leur corps : la sororité, comme thérapie complémentaire de résilience dans un pays où pèse une très forte tradition patriarcale.

Ailleurs, d'autres renversent cul par dessus tête la domination masculine : voyez Mon crime de François Ozon (le 8) où une comédienne des années 1930 en galère s'accuse d'avoir occis un producteur libidineux afin de profiter de la pub occasionnée par le procès. Ozon offre à ce vaudeville policier presque centenaire une relecture féministe... ce qui ne l'empêche pas d'en faire une irrésistible comédie pétillante.

En costumes également, Apaches de l'habile Romain Quirot (le 29) plonge avec style dans les bas-fonds parisiens du début du XXe siècle pour suivre une troupe de malfrats libertaires et surtout l'impitoyable vengeance d'une Monte-Cristo en jupons incarnée par Alice Isaaz. Des plans-séquences d'une maîtrise cuaronienne, un habillage rock et une esthétique léchée viennent compléter ce brillant tableau.

On avait dit pas les mères...

Eh bien si, car il y a à profusion de mères courage ! L'une parcourt l'Angola en guerre à la recherche de son mari sans oublier sa fille qui les attend dans le terrible (mais superbe) Nayola de José Miguel Ribeiro (le 8). Explorant plusieurs textures et techniques, ce film d'animation exhume une guerre oubliée avec une poésie qui n'occulte pas le réalisme.

Pour La Chambre des merveilles de Lisa Azuelos (le 15) Alexandra Lamy interprète une maman solo accomplissant tous les souhaits que son fils avait listés avant de tomber dans le coma. Sur un argument de mélo, la cinéaste tisse une variation lumineuse autour de son thème de prédilection : l'attachement inconditionnel mère-enfant.

Celui de Toi non plus tu n'as rien vu de Beatrice Pollet (le 8) l'aborde bien différemment, à travers la question du déni de grossesse et de la criminalisation de ces mères, pas forcément issues du quart-monde comme un cliché tend à le faire croire, qui accouchent sans en avoir conscience. Tiré d'une histoire authentique, ce sujet douloureusement méconnu rappelle à quel point l'esprit peut gouverner le corps, mais aussi ô combien s'avèrent imprudents les jugements d'office. Dans la peau de la parturiente, la trop rare Maud Wyler est bouleversante.

Ajoutons une sœur à cette série: Nan Goldin, au centre du documentaire Toute la beauté et le sang versé de Laura Poitras (le 15), Lion d'Or 2022, mêlant le parcours biographique de la photographe underground et bisexuelle, le portrait en creux de sa sœur homosexuelle suicidée ainsi que son combat actuel contre les ravages causés par les opiacés — et donc, l'industrie pharmaceutique — aux États-Unis. Femme, artiste et militante, les trois fils forment une tresse solide.

On finira avec un contrepoint masculin (mais dans un univers ô combien féminin), Sage-Homme (le 15) de Jennifer Devoldere illustrant entre autres sujets la question des préjugés professionnels : son héros, seul homme de sa promo, cache à ses proches qu'il poursuit des études — par défaut au départ — de sage-femme. Cette inversion des rôles en dit long sur les emplois traditionnellement “assignés” au sein d'un film hommage aux métiers du soin et du lien, pansements des souffrances humaines où excellent Karin Viard et Melvin Boomer.

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