La Rue des Artistes / Créé avec passion en 1998 à Saint-Chamond, La Rue des Artistes est peu à peu devenu un événement artistique incontournable du département de la Loire. Alors, comment faire durer un festival 25 ans ? Mustapha Kerroua et Cynthia Fort, respectivement capitaine et moussaillon du navire, nous livrent leur recette.
1. « On y croit »
Une idée, des valeurs. Voilà ce qui a justifié la création du festival, à la fin des années 90. Mustapha Kerroua, couramiaud d'origine et alors exilé à Nevers pour raisons professionnelles, rentre régulièrement à la maison le week-end, et constate avec tristesse que Saint-Chamond manque de vitalité.
« Je considérais, comme beaucoup, qu'il ne se passait rien le week-end, que la ville manquait d'animations. J'ai créé Atout Monde, l'association qui porte le festival La Rue des Artistes, en pensant avant tout aux habitants, et à tout ce qu'il était possible de leur apporter. 25 ans plus tard, le festival appartient toujours à la population, cette idée ne nous a jamais quittés, et nous avons toujours travaillé avant tout dans cette direction. Bien sûr, le festival est un événement artistique. Mais il est chaque année dessiné en pensant à ce que chaque habitant du territoire va pouvoir y trouver », souligne le fondateur.
2. « On s'appuie sur la force du collectif »
Il a imaginé ça tout seul, dans un coin de sa tête. Jamais, pourtant, Mustapha Kerroua n'aurait pu mettre le festival sur pieds et surtout le voir perdurer, s'il n'avait pas été entouré. « Tout seul » n'aura en effet duré que peu de temps. Ils ont ensuite été 2, puis 4, puis 5, puis 10, puis 20.
« Tout s'est fait par bouche-à-oreille. Quelqu'un arrivait et disait "ah mais attends, moi j'ai un pote qui sait faire ça, je lui en parle, il peut peut-être nous aider". Dans ce contexte-là, l'association Atout Monde s'est construite comme une association démocratique. Et elle l'est toujours. Toutes les idées de fond qui concernent l'organisation du festival ne sont pas juste débattues en Conseil d'Administration. On laisse les bénévoles s'en emparer, et on écoute leur avis. Parfois, d'ailleurs, ce sont un peu eux qui décident : si la majorité souhaite voir s'opérer une évolution, nous, salariés, on se range derrière elle, même si l'on n'est a priori pas d'accord. Parce que c'est l'intérêt général, qui nous guide », détaillent Mustapha et Cynthia.
Une manière de laisser une place à chacun et chacune, pourvu qu'il ou elle partage les valeurs fondamentales véhiculées par l'asso.
3. « On préserve coûte que coûte l'ancrage local du festival »
Plus qu'un point sur une carte ou une opportunité, l'organisation du festival sur la commune de Saint-Chamond constitue depuis toujours l'ADN de l'événement. Jamais, jamais, jamais, il ne pourrait être imaginé de le délocaliser, quand bien même le contexte en viendrait à être bouleversé : La Rue des Artistes, c'est Parc Nelson Mandela, sinon rien. Cet ancrage, d'ailleurs, ne s'exprime pas seulement par un lieu de spectacle : depuis 25 ans, le festival a toujours été considéré par ses organisateurs comme un moyen de fédérer toutes les forces vives du territoire.
Les ateliers en direction des plus jeunes sont généralement animés par des intervenants de la ville. Les merguez des sandwichs servis au stand de restauration proviennent d'une boucherie locale. Le pain est fabriqué sur-mesure par un boulanger du territoire. La bière provient de la Brasserie de la Loire. Et ainsi de suite : « Il est capital pour nous d'entretenir nos liens avec les prestataires locaux qui nous suivent dans l'aventure depuis toujours. Le festival, c'est un tout, et on souhaite que tout l'écosystème prenne vie en circuit-court, pour des raisons écologiques évidentes, mais aussi et surtout pour le capital humain que cela représente. Encore une fois, ce festival n'a de sens que s'il existe en direction des autres ».
4. « L'association a toujours été apolitique »
L'apolitisme, une valeur pas toujours évidente à défendre, qui nécessite d'avoir à la fois des convictions, et à la fois une certaine forme de bagout. En embuscade, le soupçon, la décision arbitraire ou même le clientélisme peuvent toujours s'infiltrer par une petite porte, alors, mieux vaut se montrer vigilant. Enjeux ? Apporter constamment au public la preuve de son indépendance, et démontrer dans le même temps au personnel politique de tout bord son indispensabilité sur le territoire.
« En d'autres termes, il s'agit de parvenir à se faire accepter comme on est. Et cela a d'autant plus d'importance que, sur notre territoire, il y a de la place pour tout le monde. On a appris à prendre du recul parfois sur les choses et les situations, et au bout du compte, même si l'on peut avoir des divergences avec des acteurs culturels, économiques, politiques, sociaux, notre force ne pourra que se démultiplier si l'on reste uni. Aujourd'hui, il faut à tout prix cesser de se diviser, surtout face au contexte ».
5. « Être force de proposition »
Un festival qui dure 25 ans, forcément, ça force le respect... Et ça s'applaudit d'autant plus lorsque l'association qui le porte ne s'en tient pas à ses acquis, choisissant toujours d'aller de l'avant. Chez Atout Monde, on ne ronronne pas, bien au contraire : le regard régulièrement en balade sur ce qui se passe ailleurs, on accepte bien volontiers de se laisser inspirer.
En période covidée, coincée à la maison sans possibilité de se concentrer sur l'organisation du festival, l'association avait ainsi lancé ses Instants Culturels, en invitant conservatoire et musées à créer avec eux de l'art et de la culture, que chacun pourrait déguster lors de sa promenade quotidienne, attestation de sortie en poche. Photos sur les panneaux publicitaires et les abribus, poèmes illustrés au sol... Des idées fortes et engagées qui, par temps morne, ont eu un véritable impact sur la population. « Notre filière permet une liberté de création extraordinaire, martèle Cynthia. Il faut que l'on fonce là-dessus, qu'on ne se bride jamais, quitte à sortir du cadre ».
1, 2, 3, 4, 5 leçons... Dont aucune n'aurait pu avoir de sens, sans la présence assidue d'un public qui, à chaque édition, passe une petite tête ou trois jours complets sur le festival... Autant pour le bon moment qui s'annonce que pour les valeurs défendues par l'événement. Alors, pour que La Rue des artistes ait encore de belles bougies à souffler... Rendez-vous le 3e week-end de juin !
La Rue des Artistes, les 16, 17 et 18 juin, parc Nelson Mandela à Saint-Chamond. Tarifs : 12€ en prévente (soirées du vendredi et du samedi) ; entrée libre le dimanche