Une transmission de patrimoine anticipée pour une famille protégée

Me Cécile Podetti, notaire / Dans les cours d’école, les enfants disent : « Donner, c’est donner. Reprendre, c’est voler ». Une illustration de l’adage plus juridique serait « Donner et retenir ne vaut ».

Le donateur ne peut, après l’avoir donné, prétendre à reprendre le bien. Une donation est irrévocable et protège celui qui reçoit, le donataire, notamment d’un « retour de volonté » du donateur.

Ne pouvant pas changer d’avis, n’est-il pas nécessaire de protéger le donateur et sa famille lorsqu’il décide de donner ?

Certains diront : « Ne donnons rien, conservons la maîtrise de nos biens ». Nous comprenons, mais cela va à l’encontre d’une optimisation de la transmission du patrimoine familial car l’anticipation est nécessaire pour permettre :

– Une optimisation civile de la transmission par un partage de nos biens entre les enfants afin que ceux-ci ne se retrouvent pas dans la situation tant redoutée qu’est l’indivision ;

– Une optimisation fiscale afin de répondre à cette affirmation fréquente : « Les biens dont nous sommes propriétaires sont fiscalisés. Nous payons toute notre vie et nos enfants payeront encore à notre mort ».

Le challenge du notaire est alors de permettre aux donateurs d’atteindre ces objectifs de transmission, tout en assurant la maîtrise du patrimoine familial et plus largement la protection de la famille.

Une bonne rédaction de l’acte de donation permettra d’assurer autant que possible la conservation du bien donné dans la famille, et la conservation du droit de jouissance du bien donné par les donateurs, couplée d’une optimisation fiscale certaine.

La conservation des biens dans la famille

Lorsqu’une donation est envisagée, une préoccupation revient souvent : celle de la conservation du bien dans la famille. Quand la donation a lieu au profit d’un enfant marié, les parents affirment souvent : « Mon enfant est marié sous le régime de la séparation des biens. Les biens qu’on lui donne resteront dans notre famille quoi qu’il arrive ».

Le contrat de mariage permet de déterminer les biens qui appartiendront à notre enfant lors de la liquidation de son régime matrimonial. Contrat de mariage ou non, les biens reçus par donation ou succession sont des biens personnels (seuls les revenus de ces biens sont communs en l’absence de contrat de mariage). Mais en cas de décès, le conjoint survivant aura des droits dans la succession et donc sur les biens de la famille en dépendant.

Afin d’assurer la conservation des biens dans la famille, il est possible de prévoir des droits de retour.

Les droits de retour légaux

Lorsque le défunt décède sans descendance avant le décès de ses parents, les père et mère disposent d’un droit de retour sur les biens ayant fait l’objet d’une donation par eux. Ce droit de retour ne produit effet que jusqu’à concurrence de la vocation successorale des parents, c’est-à-dire un quart pour chacun d’eux.

Lorsque le défunt laisse un conjoint survivant et des frères et sœurs, le conjoint recueille toute la succession. Toutefois, s’il avait reçu de ses parents un bien par donation, ce bien serait dévolu par moitié à ses frères et sœurs et seule l’autre moitié sera transmise au conjoint survivant.

Le droit de retour conventionnel

Il peut être stipulé dans l’acte de donation qu’en cas de décès du donataire avant ses parents, le bien retournera dans le patrimoine du donateur. Ce droit de retour s’exercera même si le donataire laisse des descendants, sauf stipulation expresse dans l’acte. Ce droit de retour évitera une transmission au profit de personnes « indésirables », étrangères à la famille.

Seule la clause de retour conventionnel permet d’exclure totalement le conjoint de droits sur les biens donnés, mais elle ne peut être mise en œuvre qu’en cas de survie des parents.

En cas de décès des parents avant leur enfant, seule une partie des biens pourra être préservée (droit de retour des frère et sœur). Si la volonté est de maintenir les biens dans la famille, il faudra avoir une discussion lors de la donation afin que votre enfant établisse un testament pour supprimer les droits du conjoint sur les biens de la famille.

L’optimisation fiscale de la transmission et la conservation des pouvoirs de jouissance des donateurs

Afin d’optimiser la fiscalité successorale et de permettre aux donateurs de conserver les pouvoirs de jouissance sur les biens transmis, il convient de réaliser des donations en nue-propriété. Le donateur se réserve l’usufruit du bien et en donne la nue-propriété. Seule la valeur de la nue-propriété transmise est taxée. Cette valeur est déterminée en fonction de l’âge des donateurs selon l’article 669 du Code général des impôts.

Au décès du ou des donateurs, l’usufruit s’éteint et les donataires deviennent alors pleins propriétaires sans avoir à repasser chez le notaire, sans avoir à payer des droits de succession supplémentaires, et ce, même si le bien a pris de la valeur depuis la donation.

Titulaire de l’usus et du fructus, le donateur pourra occuper les biens objets de la donation. Il pourra également en percevoir les fruits et revenus.

S’il porte sur des sommes d’argent, alors l’usufruit se transforme en quasi-usufruit. L’usufruitier peut utiliser la somme comme bon lui semble, à charge pour lui de la restituer en fin d’usufruit. Naît alors une dette de la succession (à utiliser pour bénéficier d’une optimisation fiscale lors de la mise en place de contrat d’assurance-vie par exemple).

Le donateur peut prévoir que l’usufruit se reportera sur la tête de telle ou telle personne à son décès pour durer jusqu’au décès de cette personne ou encore jusqu’à l’expiration d’un délai (usufruit temporaire). Cette réversion d’usufruit n’est pas réservée au conjoint et elle est alors un outil de protection précieux soit au bénéfice d’un partenaire, d’un ascendant, soit même d’un enfant dont le besoin de protection est plus important que celui des autres.

Le démembrement de propriété permet une optimisation des droits de succession qui incite à donner le plus tôt possible. Mais il faut le dire, la donation en nue-propriété d’un bien immobilier entraîne la perte des pouvoirs de disposition :

– L’accord et l’intervention des donataires sont nécessaires pour vendre ;

– En cas d’accord, le prix de vente est réparti selon le barème de l’article 669 du Code général des impôts (sauf accord des donataires de procéder autrement, sans possibilité de les contraindre).

Il est souvent primordial pour des époux de conserver la possibilité de vendre leur résidence principale pour en acquérir une plus adaptée dans le temps ou par le survivant au décès de l’un d’eux ou encore pour pouvoir compléter une retraite.

Lors de nos consultations, nous entendons souvent : « Nous sommes protégés, nous avons fait une donation entre époux ». Cette dernière, appelée aussi donation au dernier vivant, est dangereusement trompeuse, car elle laisse entendre que le survivant bénéficiera de tout le patrimoine alors qu’elle ne permet en réalité que d’accroître ses droits en cas de vente sans lui laisser la maîtrise de la vente ni du produit de celle-ci.

Nous ne pouvons la développer ici, tant le sujet est vaste, mais la société civile reste l’outil inégalable pour permettre une transmission optimisée et une protection du donateur et de sa famille.

Naturellement, nous ne pouvons que vous inviter à prendre attache avec votre notaire qui saura vous conseiller au mieux pour protéger les membres de votre famille et vous-même, bien sûr…

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