Pourquoi chroniquer un ouvrage paru en 1945 ? Parce que le 2e roman de Julien Gracq fait l'objet pour la première fois d'une adaptation théâtrale, et de plus par une compagnie stéphanoise, The Party. Un beau ténébreux, c'est le récit apparemment d'une bourgeoisie insouciante et oisive, rentière, pour qui le temps des vacances s'expand, qui pique nique sur la plage, joue au casino, badine, intellectualise et attend qu'un événement brise son ennui... Bien loin de nos préoccupations actuelles. Cette "société" là paraît désuète mais l'était sans doute tout autant au sortir de la Seconde Guerre mondiale. L'auteur ne date pas le prologue de son narrateur, lui aussi écrivain, qui suspend le siècle, le XXe, et laisse au lecteur le choix de la décennie. Cette histoire assez viscontienne, pourrait prendre place avant la première guerre mondiale, un groupe d'estivants passe le temps dans un hôtel au bord d'une plage bretonne quand un couple au charisme magique fait son apparition. Le talent de Gracq exprime davantage que les vicissitudes d'un groupe de nantis désoeuvrés en vacances. L'écriture, élitiste, demande un effort au lecteur pour y entrer, elle est abrupte pour l'œil, habitué à une littérature contemporaine plus libérée. Les longues descriptions, les sentiments et élans amoureux dont l'analyse est plus intellectuelle qu'organique, responsabilise le lecteur qui devient un observateur méticuleux. Comment alors adapter ce type d'œuvre sur une scène de théâtre ? La réponse à ce challenge risqué le 5 janvier prochain. FB
Un beau ténébreux de Julien Gracq aux éditions José Corti.
Adapté par la compagnie the Party à la Comédie de Saint-Etienne du 5 au 9 janvier