Year of the horse montre un Neil Young rock, entouré de son groupe (Crazy Horse), saisi en une multitude de fragments captés sur tous les supports d'images disponibles (Super 8, 16 mm, vidéo...), laissant la parole à ses collaborateurs... Jarmusch, fidèle à lui-même — mais aussi à Young, qui lui avait composé la musique de Dead Man, fondamentale pour la réussite du film — a écrit son documentaire comme un travelling latéral, une promenade avec Neil Young sur les routes et dans les salles, toujours en mouvement et dans l'action.
À l'inverse, Demme le montre assis devant une toile peinte représentant un paysage entre John Ford et Norman Rockwell, une petite maison, une grande prairie, un ciel bleu azur... Le réalisateur va donc se concentrer sur le visage de Neil Young, figure eastwoodienne dont chaque pli semble représenter une blessure ; le voilà seul face à sa musique, même quand des guests viennent opportunément lui prêter main forte. Le rock s'est transformé en country music mélancolique, les ombres n'ont plus besoin du noir et blanc jarmuschien pour envahir l'écran. Ce sont celles de l'Amérique, encore traumatisée par le 11 septembre et ses conséquences, hantée par les fantômes des soldats morts en Irak. À l'euphorie de Year of the horse répond la bouleversante gravité de Heart of gold, probablement un des plus beaux films-concerts jamais réalisé. Reste un point commun : ni Jarmusch, ni Demme ne cherchent à percer le mystère de Neil Young, mais plutôt à magnifier cette surface généreuse, célébrant l'intégrité d'un artiste unique et loin des modes.CC