Révélé avec «Saint-Ange», Pascal Laugier passe une vitesse dans ce film extrême, radical, d'une violence permanente, soulevant beaucoup de questions sans forcément apporter de réponses.Christophe Chabert
Martyrs affirme, à rebours de la tendance actuelle, son désir de réalisme absolu, sa quasi-neutralité vis-à-vis des séquences éprouvantes face auxquelles le spectateur est prié d'oublier ses a priori moraux. Adieu Cinémascope et photo chiadée, mouvements de caméra sophistiqués et décors gothiques : Martyrs invente un quotidien bien peu fascinant dans lequel la violence n'est qu'une routine, et les bourreaux des fonctionnaires de la torture — Laugier semble marquer par le souvenir du nazisme, déjà présent dans Saint-Ange, qu'il évoque sans pour autant le réfléchir. La dernière partie du film, la plus saisissante mais aussi la plus contestable, n'est qu'une longue suite d'actes sadiques (sadiens ?) sans dialogue et sans pathos, totalement dédramatisés. C'est réussi : on y croit, loin du grand-guignol habituel des productions gores d'ici (le super pourri Frontières) ou d'ailleurs (Hostel, auquel on pense beaucoup). Mais quand Laugier fournit des explications au drame, Martyrs trouve ses limites : difficile de savoir où cette recherche extrême de la pulsion de mort veut nous conduire. Surtout, Laugier paraît synchrone avec la quête métaphysique de ses méchants : s'approcher au plus près de la douleur physique et mentale, la retranscrire comme une expérience limite, par-delà bien et mal. C'est ce qui rend Martyrs si cohérent. C'est aussi, malgré tout, ce qui le rend ambigu : Laugier, à trop vouloir regarder la mort, en oublie totalement la vie (pourtant sublimement portée dans le film par Morjana Alaoui et Mylène Jampanoï).Martyrs
de Pascal Laugier (Fr-Canada, 1h40)
avec Mylène Jampanoï, Morjana Alaoui...