de Jerzy Skolimowski (Pologne-Fr, 1h27) avec Artur Steranko, Kinga Preis...
Pour son retour au cinéma après 17 ans de silence, Jerzy Skolimowski semble redécouvrir l'enfance de son art. Il y a quelque chose de saisissant dans chaque plan de Quatre nuits avec Anna, comme si le cinéaste s'émerveillait face aux capacités de la caméra pour recréer la beauté noire et inquiétante du monde. Cette jeunesse paradoxale se retrouve dans la construction du film : un homme, introverti et bizarre, épie sa très charnelle voisine, puis la drogue pour s'introduire chez elle et passer la nuit à ses côtés. Mais quelque chose ne tourne pas rond dans le récit : on apprend que l'homme a été arrêté, suspect dans un viol qu'il n'a pas commis, qu'il a déjà un passé judiciaire pour une autre affaire... Dans cette chronologie éclatée, le suspense consiste à comprendre quand ces quatre nuits se sont déroulées dans la vie du personnage. Tout se passe dans une campagne polonaise hantée par les fantômes de l'industrialisation, que les travellings lyriques et les atmosphères sonores abstraites de Skolimowski transforment en bout du monde déprimant. Une vache morte nage sur le fleuve, un médecin écoute une sitcom en français aux dialogues aberrants... Cet humour surréaliste contrebalance la noirceur du propos et ce beau film étrange, à la lenteur certes un peu appuyée, imprime la rétine et travaille longuement après sa projection. CC