Électro / Même si les deux sont des pionniers qui ont traversé les décennies en se tenant toujours à la pointe de la technologie, même si les deux peuvent se réclamer de Schaeffer ou Parmegiani, difficile de faire plus opposé, sur l'échiquier des musiques électroniques, qu'Autechre et Jean-Michel Jarre. Ils jouent à Lyon la même semaine, petit match.Stéphanie Lopez
Quand sort l'album Oxygène en 1976, Jean-Michel Jarre caracole en tête des hits parades : douze millions de copies s'écoulent, aussi fluides et légères que les nappes «Bontempi» qui impriment ses mémorables mélodies. Autechre n'a sans doute pas vendu le quart du dixième d'Oxygène en dix albums aussi infredonnables qu'essentiels. Il faut dire qu'avec des titres aussi abscons et austères que Chiastic Slide ou Draft 7.30, les deux geeks ne risquent pas d'emballer la ménagère. Leur musique est sans doute aussi complexe, chaotique et vrille-cortex que les harmonies de Jarre visent la limpidité «tubesque».Méga-concerts vs anti-spectacle
Quand Jean-Mimi noie sa musique sous un déluge d'artifices, de light shows, de prouesses pyrotechniques et d'effets spéciaux, Autechre fait taire toutes les lumières. Leur dernier concert lyonnais, en 2005 au DV1, plongeait l'assistance dans le noir complet, ambiance «écoutez, il n'y a rien à voir». Entassés dans l'obscurité, dans l'un des plus petits clubs de la ville, les fans du duo de Sheffield éprouvaient l'opacité même de l'électro la plus aride. Tout le contraire de l'inventeur des «méga-concerts», pour qui le public doit avant tout voir le spectacle, d'un gigantisme à la hauteur de la Tour Eiffel ou des Pyramides.Institutionnel vs confidentiels
Quelques centaines d'adorateurs pour Autechre, des millions de spectateurs pour l'instigateur bien-pensant des Concerts pour la tolérance, pour le Pape et l'humanisme gnangnan. Tandis que l'UNESCO et autres institutions s'arrachent le mégalo-mélomane du Son & Lumières, Autechre entretient le mystère. Entité abstraite, autiste, cachée, on ne saura jamais rien des mœurs de Sean Booth et Rob Brown, ni de leur vie privée. À moins que l'un d'eux ne se pointe à Cannes au bras d'Anne Parillaud, Autechre, côté people, c'est zéro.In the moog vs in the mood
Alors que l'on soupçonne Oversteps, le nouvel album d'Autechre, d'avoir été essentiellement composé à l'aide de softwares et de claviers virtuels, on imagine à l'inverse que le studio de Jean-Michel Jarre doit ressembler au musée du synthé. Longtemps raillé par l'élite électronique, le roi du Moog est aujourd'hui reconsidéré par toute une salve de producteurs (de Air à Vitalic en passant par Yuksek), qui reconnaissent tous son influence majeure. En 2010 Jarre ne serait donc plus une référence honteuse... Sauf pour le public d'Autechre ?AUTECHRE
À La Plateforme, lundi 22 mars.JEAN-MICHEL JARRE
À la Halle Tony Garnier, mercredi 24 mars.
