Comédiens / La révélation de Vénus Noire, c'est Yahima Torres, française d'origine cubaine, qui interprète le personnage difficile et éprouvant de Saartjie Baartman. C'est donc à nouveau à un comédien non professionnel qu'Abdellatif Kechiche a fait appel, après avoir choisi Habib Boufares pour le premier rôle de "La Graine et le mulet". L'histoire est similaire : le cinéaste a fait un long casting infructueux pour trouver sa Vénus avant de se rabattre sur Yahima, croisée par hasard dans la rue trois ans auparavant, et dans laquelle il a retrouvé des traits de visage de la véritable Saartjie Baartman ; Boufares, lui, avait été engagé pour sa ressemblance avec le père de Kechiche, modèle du personnage de Slimane. On pourrait même pousser plus loin encore tant Osman Elkharraz, le jeune acteur qui incarnait Krimo dans "L'Esquive", ne semblait lui aussi faire qu'un avec son personnage. Mais le cinéma de Kechiche ne repose pas que sur des corps et des visages inconnus et novices (mais magistralement dirigés) ; il les confronte à des comédiens professionnels, jeunes ou déjà expérimentés. Dans "L'Esquive", Kechiche révélait la jeune Sara Forestier (César du meilleur espoir en 2005) qui, après quelques films très oubliables (le nanar "Humains", le médiocre "Hell") est en train de passer à la vitesse supérieure avec ses rôles dans "Gainsbourg" et dans "Le Nom des gens" (sortie en novembre). Autre révélation, celle d'Hafsia Herzi dans "La Graine et le mulet" (qui reçut à son tour le césar du meilleur espoir en 2008), qui a depuis fait déjà un bout de chemin, notamment grâce à son rôle très sexué dans le très bon "Roi de l'évasion" d'Alain Guiraudie. Pour "Vénus noire", Kechiche fait un pas supplémentaire dans la rencontre entre plusieurs mondes d'acteurs : Olivier Gourmet, le grand homme ordinaire du cinéma européen, y incarne un montreur d'ours qui deviendra brièvement l'amant puis le souteneur de Saartjie. La présence de l'acteur fétiche des Dardenne établit un pont évident entre l'œuvre des frères belges et celle de Kechiche : incarner des personnages neufs dans des corps neufs, et les faire dialoguer avec des comédiens caméléons, capables de se fondre dans les décors et les époques qu'ils traversent.
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