Fighter

Fighter

Opération retour en grâce pour David O'Russell avec cette chronique de deux frères boxeurs inséparables et pourtant rivaux : un film qui, malgré quelques beaux moments de cinéma, déçoit par son conformisme.Christophe Chabert

On n'en voudra pas à David O'Russell d'avoir cherché à sortir du bourbier dans lequel le fiasco public et critique de "J'♥ Huckabees" l'avait fourré. Opération réussie : avec quelques oscars et un beau score au box-office américain, le cinéaste s'est visiblement remis en selle — il a déjà fini un autre film depuis. "Fighter", projet longuement porté par Darren Aronofsky, n'est pas sans évoquer "The Wrestler" : son esthétique réaliste, son goût du mélodrame et son contexte sportif (la boxe remplaçant le catch), sans parler de la trajectoire de son personnage secondaire, qui va de la déchéance au rachat. Mais les choses s'arrêtent là. Alors que "The Wrestler" s'inventait au plus près de son acteur et ne quittait pas un parti-pris radical dans sa mise en scène, "Fighter" louvoie entre clichés du film à oscars et rares tentatives pour ramener le sujet vers une matière plus personnelle.

Les Atrides font de la boxe

O'Russell rate à peu près complètement le double parcours de Micky (Wahlberg, plutôt pas mal), dont la carrière de boxeur va de combats foireux en matchs ratés, et de son frère aîné Dicky (Christian Bale, dans un cabotinage opportuniste quand on se souvient de ses compositions effacées dans "Dark knight" et "Public Enemies"), ancienne gloire de la boxe devenu accro au crack. Mauvaise idée : les deux frères nous sont présentés via un documentaire tourné par HBO, dont le cinéaste dissimule maladroitement le vrai sujet ; non pas le come back de Dickie, mais son problème avec la drogue. Ratées aussi, les scènes en prison, où le film sonne soudain complètement faux, alors qu'il avait pris beaucoup de peine à rendre réaliste le background humain de la ville de Lowell où les frangins font figure de stars folkloriques. Ratées encore, les combats, tournés en vidéo et commentés comme à la télé. Stallone avait réussi la chose dans "Rocky Balboa" en la cantonnant à son dernier quart d'heure. Ici, le procédé, répétitif, lasse assez vite. Reste toutefois une bonne idée, mais que Russell ne pousse pas assez loin : la manière dont leur famille omniprésente, et notamment leur mère incarnée par une terrifiante Melissa Leo, empêche les deux frères de prendre leur envol. Il y a quelque chose de Cassavetes dans les séquences tragi-comiques où ces Atrides populos se font chanter sentimentalement en pensant agir pour le bien des uns et des autres. "Fighter" préfère toutefois une résolution rassurante et conformiste plutôt que d'aller au bout de ce film d'horreur domestique, ultime concession d'un film qui en fait un peu trop. 

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