Entretien / Hubert Mounier. Réconcilié avec son double Cleet Boris, l'ancien chanteur de l'Affaire Louis Trio revient en force avec un double projet baptisé La Maison de Pain d'Épice : soit un disque, signé Hubert Mounier, et la BD qui en conte la genèse via Cleet Boris. Avec pour fêter ça, une exposition lyonnaise aux accents pop. Propos recueillis par Stéphane Duchêne
Hubert Mounier : Complètement. Je raconte des histoires et je m'efforce de faire des bouquins qui aient de l'intérêt quand on les achète, mais je ne me suis jamais considéré comme un grand dessinateur. Alors exposer, cela me paraissait tout de suite un peu prétentieux mais j'ai fini par me laisser convaincre. Avec La Maison de Pain d'Épice, le disque et la BD, c'est aussi la première fois que vos deux activités principales, la BD et la musique, se rejoignent en un projet commun. Cela a-t-il une saveur particulière ?
Oui, même si j'avais déjà mis en scène l'Affaire Louis Trio en BD. Mais c'est la première fois que mon double Cleet Boris raconte la vraie vie d'Hubert Mounier. J'avoue que, de moi-même, je n'y aurais pas pensé. Mais quand Dupuis me l'a demandé, l'occasion était trop belle pour que je ne tente pas de réunir mes deux passions.C'est encore une manière pour Cleet Boris de rattraper Hubert Mounier par le col...
Si la BD est signée Cleet Boris c'est surtout par pudeur car jamais je n'avais été aussi exposé. Dans mes chansons, j'arrive toujours à éviter l'écueil de la réalité mais dans cette BD, ça faisait partie du cahier des charges. À moi d'ajouter la distance et l'autodérision qui pouvait faire passer tout ça sans que ça ait l'air d'une autobiographie ronflante et un peu prétentieuse. De tous vos disques solo, La Maison de Pain d'Épice est celui qui vous ressemble le plus, comme un chaînon manquant avec les disques de l'Affaire Louis Trio.
Je le vois aussi comme ça. En 2006, j'avais réalisé, sur scène, qu'entre les gros tubes rigolos de l'Affaire Louis Trio comme Chic Planète et mes albums solo il y avait un écart artistique immense. Pour La Maison de Pain d'Épice, je me suis dit qu'il fallait des chansons qui me ramènent un peu vers la scène, me permettent d'y jouer quelques vieux titres plus enlevés de l'Affaire Louis Trio et d'ajouter quelques ballades triées sur le volet pour qu'on sorte de ces concerts plutôt avec le sourire qu'avec un mal de tête. Vous semblez avoir fait la paix avec la période Affaire Louis Trio, notamment après l'album Affaire Classée, et pouvoir d'autant mieux y revenir aujourd'hui...
C'est vrai. Mais il m'a fallu le temps de m'en éloigner. Quand on a commencé à travailler sur mon premier disque solo avec Benjamin Biolay, le but était surtout d'éviter les chansons qui pourraient rappeler de trop près l'univers de l'Affaire Louis Trio. Il fallait vraiment marquer la césure entre Cleet Boris et le nouveau Hubert Mounier qui, à l'époque, était tout chiffonné par cette nouvelle vie, l'arrêt de l'alcool, le divorce, etc. Pour La Maison..., j'ai retrouvé l'énergie que j'avais étant plus jeune. Quand on est dans l'action, on pense que le problème vient de la création, du manque de reconnaissance, alors que derrière, il y a des choses plus lourdes à porter.Ce disque ayant agi comme un travail de reconstruction, l'absence de Benjamin Biolay lors de l'enregistrement en Belgique, épisode douloureux que vous racontez dans la BD, n'a-t-il finalement pas été un mal pour un bien ? L'occasion pour vous d'aller au bout des choses par vous-même ?
Sur le moment, cela a été un peu difficile à vivre, mais le lendemain le magnéto tournait et il fallait bien enregistrer. Quand on fait ce boulot, il faut savoir rebondir. Ça m'a obligé à prendre mes responsabilités, comme à l'époque du groupe. Et puis j'ai un certain savoir-faire et un peu d'expérience. Après tout, quand j'ai commencé à faire des disques, Benjamin était encore à l'école primaire (rires).Après coup, ne vous êtes-vous pas dit que sa défection était peut-être préméditée ?
Il serait vraiment machiavélique (rires). Mais peut-être que Benjamin a senti dès le début que sur ce disque, j'étais davantage dans mon élément que sur les deux précédents, sur lesquels il était vraiment indispensable. Quand je travaille sur des albums avec des ambiances très nuancées, je ne suis pas forcément le mieux placé pour habiller mes chansons douces, mais sur des chansons plus pop comme ici, je maîtrise davantage. La Maison de Pain d'Épice est la métaphore de la société du spectacle. Les choses ont-elles changé depuis vos débuts ou est-ce votre regard qui a changé ?
J'ai toujours eu beaucoup de recul par rapport à ça. Ce qui a changé, c'est qu'aujourd'hui, les chiffres sont cruciaux. J'ai eu la chance de débarquer avec un groupe de province qui a fait un premier 45 tours qui n'a pas marché puis un second qui a marchotté, et finalement on a pu faire six albums comme ça, parce qu'on nous a laissé le temps. Aujourd'hui, il faut tout de suite que ça vende, que les media soient dessus. Moi je fais partie du décor mais pour les jeunes c'est une lutte beaucoup plus rude qu'il y a vingt ans.