Critique / «Pourquoi tu bois autant ? - Les clopes ne me tuent pas assez vite». Manque de Sarah Kane n'est pas une pièce de théâtre comme on les imagine, avec un début, une fin, des personnages bien définis. Dans son avant-dernière pièce, la jeune auteur britannique a en effet imaginé un chœur de quatre «voix», qui ne portent pas de nom mais des lettres et qui, sur scène, racontent leur impossibilité à vivre, à aimer, à être aimé en retour. Simon Delétang s'est saisi de ces morceaux de «puzzle» pour leur donner vie. Le metteur en scène nous plonge dans les locaux d'une entreprise où l'on s'agite, range, brasse de l'air, se rencontre autour d'une machine à café transformée en juke-box diffusant des tubes de chanteurs suicidés. Dans ces locaux sans âme, deux couples guindés s'affrontent, s'étreignent maladroitement, tentent de soumettre l'autre à leur désir ou disent ce fameux manque. En donnant «corps» au chœur, Delétang fait entendre avec précision les mots de Kane et son humour, féroce. Delétang et ses quatre comédiens osent tout (mention spéciale à Constance Larrieu) sans jamais nuire à la justesse de l'ensemble. Et progressivement, la légèreté se dissipe, les locaux de l'entreprise se vident, les bureaux ressemblent à des tables d'autopsies, les sons et les lumières se font plus agressifs, presque insoutenables. Ne restent alors que les quatre voix et quatre acteurs. Dorotée Aznar
Manque
Au Théâtre Les Ateliers
Jusqu'au vendredi 20 mai