De Kelly Reichardt (ÉU, 1h44) avec Michelle Williams, Paul Dano, Bruce Greenwood...
Avec La Dernière Piste, la réalisatrice d'Old joy et Wendy et Lucy prend à revers le revival du western américain. Il s'agit pour elle non pas de revisiter ses codes, mais d'en tirer une épure méditative en raréfiant enjeux et dialogues. L'introduction décrit en quelques plans ascétiques des pionniers muets écrasés par l'espace désertique qui les entoure. Et pour cause : ce convoi est perdu dès la première image. Une brève séquence nous apprend que c'est en suivant le «raccourci» indiqué par Stephen Meek, cowboy sale et grossier (génial Bruce Greenwood) qu'ils se sont égarés. La question est posée : faut-il lyncher Meek, qui malgré son assurance et sa connaissance de cet ouest sauvage, reste un étranger à la communauté ? Reichardt va redoubler le conflit lorsqu'un Indien est capturé par Meek, et que le groupe se divise sur ce qu'il faut en faire : l'exécuter ou le suivre en espérant qu'il les conduise à un point d'eau salvateur ? C'est la très belle idée de La Dernière Piste, à la fois interrogation lancée à l'Amérique d'aujourd'hui et déclaration d'indépendance cinématographique : faut-il accueillir dans une société ce qui lui résiste (l'Indien ne parle pas un mot d'anglais, et semble osciller entre peur et ironie envers les pionniers) au nom d'un idéal humaniste ? Meek le brutal, l'Américain arrogant qui a trouvé plus étranger que lui, répond non. Emily (Michelle Williams, très bien) est en revanche prête à risquer sa vie pour épargner celle de l'Indien. Dans l'exigence de sa mise en scène, son entêtement à ne jamais brusquer le récit, à laisser les plans respirer à leur rythme, Kelly Reichardt prolonge ce geste démocratique et féministe de la plus cinématographique des manières. Christophe Chabert