The Murderer

The Murderer

Un peu complexe dans son intrigue, mais dément dans son crescendo de violence et d'action, "The Murderer" confirme, après "The Chaser", que Na Hong-jin est un des nouveaux grands noms du cinéma sud-coréen.Christophe Chabert

The Murderer a beau durer 2h20, il faudrait presque ralentir sa première heure pour pouvoir en saisir tous les enjeux. En même temps, la principale qualité de ce deuxième long signé Na Hong-jin est justement sa rapidité, son côté vif, excessif, cherchant non pas la surenchère (à la différence d'un Kim Jee-woon), mais le plaisir de l'urgence. D'ailleurs, si The Chaser était une course contre la montre, The Murderer relève de la course-poursuite, puisqu'on y voit un homme traqué par la police et par plusieurs bandes rivales semer le chaos et la destruction dans sa lutte pour la survie. Cet homme, c'est un chauffeur de taxi officiant dans le détroit de la «mer jaune», zone frontalière entre la Corée du Nord, la Chine et la Russie, zone de non-droit aussi où s'épanouissent tous les trafics clandestins. Il a laissé sa femme en Corée du Sud et un chef mafieux bouffon mais dangereux (ah ! le génie coréen du mélange des genres...) lui propose de la retrouver à Séoul à condition qu'il exécute un contrat : assassiner un homme. Mais lorsqu'il arrive pour accomplir sa mission, il découvre qu'il a été doublé, et qu'on va néanmoins lui coller le crime sur le dos. La traque commence...

Du rififi sur la mer jaune

Difficile pour le spectateur occidental de saisir tous les enjeux, notamment politiques et linguistiques, de cet imbroglio. On notera toutefois que Na Hong-jin reprend à son compte le vieux projet de Wong Kar-wai : créer une fiction pan-asiatique, où des comédiens de différentes nationalités se retrouveraient dans un même écheveau narratif. Ce n'est cependant pas la finalité de The Murderer. Une fois lancée, la poursuite n'est plus qu'un prétexte pour un hallucinant ballet de violence urbaine que le cinéaste traite avec une sauvagerie primale qui rappelle certains MacTiernan. L'usage de l'arme à feu est notamment proscrit du film, le seul tir étant celui, comique, d'un flic maladroit. En revanche, les armes blanches (et même un os de gigot, qui n'avait pas rempli cette fonction depuis Kubrick !) sont largement usitées, dans des batailles homériques à un contre vingt, où dans de plus intimes règlements de compte. L'énergie déployée par la mise en scène conduit aussi à une spectaculaire séquence nocturne et urbaine qui se conclue par un carambolage gigantesque, où la tôle froissée n'a rien de numérique. C'est ce qui donne sa singularité au film : Na Hong-jin s'en tient à une approche viscérale et réaliste du thriller, où les corps, les éléments et les objets sont tous pris dans leur dimension la plus concrète. La conclusion, soudain retour au calme confinant au désespoir le plus total, n'en est que plus belle.

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