de Jean-François Laguionie (Fr, 1h16) animation
Vétéran de l'animation française, Jean-François Laguionie a acquis ses galons avec des films comme Gwen, le livre des sables ou plus récemment L'île de Black Mor. Aujourd'hui septuagénaire, le cinéaste tourne peu mais ses œuvres sont d'un raffinement égal à celles de son ami Paul Grimaut qui l'initia au genre. Objet rare donc, Le tableau l'est à double titre puisque sa beauté est un palais pour le regard. Son idée de génie est simple : rejouer la lutte des classes au sein d'un tableau inachevé où les personnages, finis, règnent sur les pas finis et autres croquis. Pour une histoire d'amour entre un garçon d'en haut et une fille d'en bas, trois d'entre eux, un de chaque rang, sortent du cadre pour retrouver ce peintre qui n'a pas terminé son travail. Ils explorent ainsi son atelier et passent de tableaux en tableaux, évoluant comme dans autant de réalités s'adaptant aux nuances de chacune des toiles. C'est un peu comme si Toy Story lisait Marx en rejouant la séquence du musée des Looney Tunes de Joe Dante. En ressort un film inventif, amusant, intelligent et dont les vertus pédagogiques n'écrasent jamais l'ambition poétique ou cinématographique. Son concept fait jubiler Laguionie, qui en exploite toutes les possibilités en jouant des styles ou des techniques : animation, numérique, prises de vue réelle, pour finalement s'attacher à une double réflexion sur la création et les apparences. D'une élégance constante, ce Tableau est un beau conte esthétique.
Jérôme Dittmar