Il faut accepter de ne pas tout dire et de ne pas tout savoir. En une heure seulement, la compagnie Art Toupan a l'honnêteté d'annoncer qu'avec son spectacle, elle ne trace qu'une esquisse de Frida Kahlo. Mais une esquisse enivrante des parfums de Coyoacan, ce quartier pauvre où la peintre est née et où elle a grandi dans une maison aux murs bleu Klein. Avec son acolyte guitariste et chanteur, Nadia Larbiouene nous promène par sa voix, et avec la constante délicatesse de s'effacer derrière l'artiste blessée qu'elle incarne, dans ce Mexique secoué par la révolution zapatiste à laquelle Kahlo est d'autant plus sensible que son homme, Diego Rivera, est membre du parti communiste.
Car comme toujours, il est impossible de parler d'elle sans lui faire une large place (Le Clézio n'avait pas pu les séparer dans Diego et Frida). Il fait deux fois sa taille, trois fois son poids, il ressemble à un crapaud, dit-elle, mais elle l'aime plus qu'elle-même. En commentant quelques diapos projetées en fond de scène, Nadia Larbiouene se fait parfois professeur es Frida Kahlo mais elle est toujours rattrapée par l'émotion reprenant d'un coup le récit à la première personne, dans la peau de la peintre.
Le didactisme du récit se gomme par cette mise en espace très adroite faite de ruptures de rythmes à l'image de l'existence morcelée et déchirée (l'accident de bus qui laisse sa colonne vertébrale meurtrie à 17 ans, ses amours infidèles, ses enfants perdus avant terme...) de cette immense artiste devenue icône et, in fine, poignant personnage de théâtre.
Nadja Pobel