Ce n'est que le deuxième film de Ben Wheatley (le troisième, Touristes !, déjà terminé et présenté à Cannes, le confirmera), mais Kill list l'impose déjà comme un des cinéastes contemporains à suivre de très près. Il accompagne ici deux Anglais de la classe moyenne, anciens soldats devenus tueurs à gage, d'abord dans leur quotidien un peu terne, puis dans une mission qui va s'avérer de plus en plus déroutante et ésotérique.
Ce qui se joue ici, c'est la greffe entre les codes du thriller et une mise en scène atmosphérique et envoûtante faite de constants décalages entre le son et l'image, entre le présent de l'action et ses répercussions dans l'intrigue. De fait, au lieu de chercher artificiellement l'étrangeté ou la tension, Wheatley les fait surgir au milieu de la banalité ; un bref plan sur une femme dessinant un pentacle derrière un tableau suffit à amener le fantastique au milieu d'un repas entre amis où l'on parle politique, problèmes domestiques et relations amoureuses.
Ce regard presque malickien, où l'improvisation des comédiens contraste génialement avec la ligne suivie par le scénario, donne au film sa profonde originalité, chose devenue rare sur les écrans. Dans le dernier tiers, la violence se déchaîne et le complot se dévoile sans pour autant apporter de réponses évidentes aux questions qui se posent : une autre manière pour Wheatley de déranger le spectateur, tout en le laissant sur un sentiment de fascination durable. Définitivement, un des grands films de l'année.
Christophe Chabert