Lorsque nous découvrons des fragments d'Annette, il y a déjà deux ans de gestation et de travail en amont. Et lors de ces ultimes répétitions, à J-9 de la première, ce sont d'abord les mots qui nous happent. Ceux d'Annette, qui donne son prénom à cette pièce, inspirée de la vie de la sœur du metteur en scène Nicolas Ramond, décédée jeune adulte des suites d'un syndrome de West qui a fini par l'étouffer. Annette était dépourvue de parole mais au théâtre on l'entend dire «je m'envase, je cherche des mots dans la boue de ma bouche». Parfois c'est son frère qui s'agace : «tu m'énerves à faire l'handicapée. Les handicapés, ce n'est jamais de leur faute. Ils ont une excuse pour toujours». Avec une vitalité et une véracité comparables à celles maniées par Jean-Louis Fournier dans le drôlissime et glaçant Où on va, papa ?, l'écrivain Fabienne Swiatly a su, en étant toujours attentive à son personnage et à bonne distance du drame, trouver le ton juste entre gravité et humour. Pour l'occasion, Nicolas Ramond s'est délesté du travail vidéo qui ponctuait ses précédentes créations et cherche le rythme en accolant, sans ordre chronologique, diverses séquences de la vie d'Annette. Tout converge vers cette jeune fille : un cube de tissu suggère son univers mental enfermant, les compositions live de Sylvain Ferlay lui donnent un souffle supplémentaire, les comédiennes Charlotte Ramond et Anne de Boissy (qui avaient endossé récemment les rôles de la mère de Charles Juliet dans Lambeaux et de Duras dans Duras/Platini) lui prêtent leurs corps. In fine, en interrogeant l'anormalité, au-delà de cette maladie rare, Nicolas Ramond questionne notre regard avec tact, talent et force.
Nadja Pobel
Annette
au théâtre de Vénissieux jeudi 17 et vendredi 18 janvier (puis au TNP du 12 au 22 février)