De Im Sang-Soo (Corée du Sud, 1h53) avec Kim Kang-Woo, Yun-Shik Baek...
Il y a dix ans, Chabrol tournait L'Ivresse du pouvoir ; au-delà de l'analogie de son titre, L'Ivresse de l'argent a quelque chose de chabrolien, même si la mise en scène d'Im Sang-Soo, toute de maîtrise visuelle et de perfectionnisme glacé, est à l'opposé de celles de notre regretté Chacha. Ce qu'il y a de commun, c'est la rage à pilonner la bourgeoisie friquée, égoïste, méprisante, camouflant derrière sa respectabilité de façade la dépravation de ses mœurs. En montrant l'itinéraire d'un Rastignac contemporain, beau comme un Apollon mais issu des couches populaires, au sein d'une famille corrompue dont il doit accomplir les basses œuvres et satisfaire sexuellement le gynécée, Im Sang-Soo n'y va pas de main morte. C'est ce qui rend le film sympathique (ils ne sont pas nombreux dans le monde, les cinéastes qui refusent le tout est dans tout et choisissent ouvertement leur camp), mais aussi ce qui en constitue sa limite. Malgré la sophistication, malgré l'humour noir, malgré l'ambition d'écrire, après The Housemaid, une comédie humaine contemporaine sur son pays, Im Sang-Soo est rattrapé par la minceur de son propos, qu'on pourrait résumer par «Salauds de riches !».
Christophe Chabert