C'est un peu plus qu'une guêpe, son agaçant bruit d'ailes et la peur de la piqûre que sa présence induit qui dérangent le couple Edward/Flora en cette belle journée ensoleillée. C'est leur quiétude même qui est ébranlée, d'autant plus que se poste devant leur jardin un marchand d'allumettes n'ayant pas la moindre chance de vendre sa marchandise dans ce coin de compagne profonde. Metteur en scène reconnue, passée par les grands théâtres européens et accueillie ici dans la petite salle des Célestins, Marie-Louise Bischofberger joue la carte du minimalisme avec ce texte de jeunesse d'Harold Pinter (1959), initialement pièce radiophonique pour la BBC, auquel le dramaturge anglais est très attaché car s'y nichent déjà le doute et les prémices de la violence qu'il abordera dans ses classiques Célébrations ou War. Dans un décor épars où sont posés presque en pagaille des symboles domestiques (bar, fauteuils d'extérieurs, lit et amorce de cuisine), le mystérieux et silencieux vendeur révèle le for intérieur des deux membres du couple, qui lui parlent chacun leur tour, de la catharsis de Flora, qui avoue avoir été violée par un braconnier, à la révélation de l'agressivité qui boue en Edward, capable d'être dangereux envers sa femme. Comme dans le théorème pasolinien, chacun s'observe et se cogne à lui-même dans cette pièce inquiétante et troublante qui, sous couvert d'être simple, grossit à la loupe les ressorts de l'âme humaine.
Nadja Pobel
Une petite douleur
au Théâtre des Célestins, jusqu'au vendredi 8 février