Il est étrange qu'avec le pedigree affiché par Propriété interdite, le film ait été un peu oublié dans la filmographie de Sydney Pollack. Qu'on en juge plutôt : tiré d'une pièce en un acte de Tennesse Williams, son scénario a été co-écrit par Francis (Ford) Coppola et autour du couple vedette Natalie Wood/Robert Redford gravite une galaxie de seconds rôles parmi lesquels on trouve Charles Bronson et le mythique Robert Blake, futur homme mystère de Lost highway et précédemment tueur enfantin dans De sang froid.
Le film est-il à la hauteur de ce casting ? Oui, largement. Mélodrame social où un fringant homme de la ville (Nouvelle-Orléans) débarque dans un coin paumé du Mississippi pour y fermer la ligne de chemin de fer et mettre une partie des autochtones au chômage, Propriété interdite est surtout magnétisé par l'érotisme fulgurant de Natalie Wood dans le rôle d'Alva Starr. Naïve et rêveuse, elle connaît son emprise sur les hommes et, limites de la censure obligent, Pollack ne peut que suggérer la monstruosité de sa situation : elle est prostituée par sa propre mère pour garder leur pension en activité et la peupler de mâles dont l'un ou l'autre pourrait finir par tomber dans les filets de la marâtre.
La mise en scène se tient à égale distance de la cruauté du propos et du lyrisme propre au genre ; certaines séquences sont admirables, comme celle dans le train échoué ou encore les retrouvailles filmées depuis le reflet d'une fontaine. Propriété interdite, donc, mais redécouverte autorisée.
Christophe Chabert
Propriété interdite
De Sydney Pollack (1966, ÉU, 1h45) avec Natalie Wood, Robert Redford...
À l'Institut Lumière, du 20 au 26 mars