Entretien avec Stanilas Nordey, partenaire d'Audrey Bonnet sur scène.
Est-ce le spectacle le plus éprouvant que vous ayez eu à jouer ? Tant en termes de contenu qu'en termes de rythme, puisque vous enchaînez les représentations depuis Avignon 2010 et jusqu'à février 2014 au Théâtre du Rond-Point...
Stanilas Nordey : Il est à la fois difficile et facile. Le texte est complexe à mémoriser, il y a un enjeu physique tous les soirs durant deux heures, avec deux acteurs seuls en scène et énormément d'émotions... Mais cette difficulté est belle, il ya toujours des ressources nouvelles dans cette écriture. La difficulté, paradoxalement, construit l'envie de beaucoup jouer ce spectacle-là car on n'en a jamais fait le tour. En plus, on a un rapport assez particulier au public car il réagit énormément, reconnait beaucoup de choses dans le texte et comme tous les publics sont différents, on entend tous les soirs battre le cœur de la salle. Alors oui, c'est difficile mais il y a beaucoup de plaisir à être sur le plateau avec ce dispositif-là.
Vous disiez lors de la création que ce monologue était pour vous un dialogue...
Quand on lit le texte, on voit le grand texte de l'homme puis celui de la femme. Mais, dès le début du travail, Pascal Rambert nous disait qu'il y avait deux choses importantes. Premièrement que c'est un spectacle de danse. Nous, les acteurs, devons donc être en permanence deux interprètes dont les corps sont interdépendants l'un de l'autre, que nous parlions ou pas. Deuxièmement, il y a dans l'écriture même une telle adresse, au sens de prise à témoin, entre les deux comédiens, que l'on n'a pas l'impression d'être dans un exercice "monologal". On est sans cesse chevillé à l'autre. Que l'on soit dans la surexposition de la prise de parole ou la sous-exposition de l'écoute, on est absolument nécessaire au partenaire.
Comment peut-on intercaler d'autres projets au milieu de celui-ci, si fort ?
Je suis un garçon assez joyeux. C'est un plaisir d'avoir une pièce au répertoire. Dans le théâtre public, on a rarement l'occasion de jouer sur plusieurs mois voire plusieurs années un texte et donc de le creuser, le laisser reposer, laisser la vie passer par-dessus. Par ailleurs, j'ai la chance d'avoir beaucoup de casquettes : metteur en scène de théâtre, d'opéra, acteur, pédagogue. Ça maintient en forme bien que le spectacle soit très éprouvant ! Mon prochain projet est la création de Par les villages de Peter Handke dans la cour d'honneur au Festival d'Avignon, que je mets en scène et dans lequel je jouerai aussi.