Alors que le monochrome, apparu dans les années 1960, cherchait une nouvelle façon de penser la couleur, ceux de Vincent Guzman convoquent la muabilité de la matière. Une démarche qui l'extrait de l'histoire de la peinture du XXe siècle pour l'encrer légitimement dans la contemporanéité. Charline Corubolo
Les «monochromes variables», comme les nomme leur auteur, Vincent Guzman, procèdent par épuration. Mais en dépit de la sobriété des toiles présentées à la galerie Pallade pour l'exposition avant la paysage, dont la majorité offre un fond uni, c'est une peinture mouvante que produit l'artiste. Une nébuleuse picturale dont le résultat est dû à l'alliage d'acrylique et de résine époxy : sous l'action du composé chimique, la peinture bouge et finit par se figer dans un mouvement ondulatoire.
Alors que la surface de l'œuvre est lisse, chaque monochrome donne une impression de relief, telle une empreinte de matière. Et lorsque le regard tend à apprivoiser l'effet d'optique, la lumière vient troubler cette perception.
Comme une sculpture, les peintures de Guzman ne peuvent s'apprécier qu'en en faisant le " tour ", la matière et la lumière opérant suivant l'angle une métamorphose de la couleur, passant du mauve au bleu canard. La véritable recherche du peintre ne demeure toutefois pas dans la palette chromatique, mais bien dans une expérimentation de la texture afin de créer des espaces picturaux comme venus d'ailleurs.
Monochromes flottants
La matière, Guzman la travaille de sorte à créer des variations incessantes. Alvéoles et volutes viennent creuser la toile, donnant l'impression que le regard se pose au plus près de la surface de planètes. Un spectre galactique se dévoile, dans lequel la peinture ondule, vaporeuse, à l'image de la série parcelle du monde (2012) ou de Danae (2012). Les œuvres sont organiques, presque minérales, et résultent de l'observation sensible des éléments par le peintre.
Pour autant, il refuse le sentimentalisme et ses toiles distillent une analyse concrète de l'univers, qui passe également par la couleur. Dans chaque espace, elle est profonde, voire pure, et sur elle la lumière ricoche avec légèreté. Comme avec la série espace élémentaire (2012), qui tend à marquer une distanciation franche avec l'émotionnel abstrait.
Une abstraction qui s'estompe ensuite avec la dernière série intitulée avant le paysage (2012) et la toile mirage (2013), qui voient l'artiste basculer vers une forme d'impressionnisme. Anachronisme artistique, dans la première un horizon commence à apparaître sous l'effet de dégradés. Avec la seconde, les codes sont contemporains, l'approche du paysage, elle, est moderne.
Le titre de l'exposition prend alors tout son sens, autant en termes de création d'espaces que d'évolution picturale : à travers une synthèse dématérialisée du réel, c'est l'avant que Vincent Guzman peint dans la matière.
avant le paysage
A la galerie Anne-Marie et Rolland Pallade, jusqu'au samedi 6 juillet