Au milieu d'une tournée dantesque dans la droite ligne du tellurique "Kveikur", les Islandais ascensionnels et sensationnels de Sigur Rós entendent bien, en quasi clôture des Nuits de Fourvière, faire trembler le Théâtre antique. Stéphane Duchêne
«Le feu sous la glace». S'agissant de musique islandaise le cliché est non seulement éculé mais surtout rongé jusqu'à l'os. Et pourtant, à l'écoute des deux derniers albums de Sigur Rós, parus à quelques mois d'intervalles à peine, c'est bien la première image qui vient en tête. Surtout quand on sait que Brennisteinn, premier extrait du récent Kveikur, qui ouvre également les concerts de la tournée afférente, signifie «soufre» et que le second a pour titre Ísjaki, soit «iceberg».
Qui plus est, après le glacé et contemplatif Valtari, le groupe islandais fracasse ici thermomètres, échelle de Richter et compteurs Geiger dès les premières notes dudit Brennisteinn. Les infra-basses, semblables à celles des bandes-annonces de blockbusters qui font le bonheur des systèmes de son 5.1, rappellent sans doute aux Islandais les tremblements de terre quasi-incessants qui secouent leur pays. Entre temps, Sigur Rós a connu ce qui aurait pu être un séisme voire signifier, comme cela l'a été dit, la fin du groupe : le départ de celui qui était devenu son épine dorsale, le multi-instrumentiste Kjartan Sveinson.
Vahlalla
Malgré les rumeurs de séparation définitive, Kjartan aura simplement été remplacé, sur scène, par un autre... Kjartan, frère du bassiste Georg Holm. Et cela n'a nullement coupé le désormais trio dans son élan créatif, Kveikur faisant figure d'extraordinaire rebond qui, tout en ravageant tout sur son passage, sait également faire preuve de la proverbiale emphase aérienne devenue marque de fabrique d'un groupe qui tutoie moins les anges que quelque race extra-terrestre d'où serait issu l'énigmatique chanteur Jónsi.
Car c'est bien toujours ce va-et-vient entre infra et extra-terrestre, mouvements telluriques et volutes insensées, mythologie et technologie, qui continue de faire le sel de la musique de Sigur Rós. Et si Kveikur est peut-être plus difficile d'accès que certains classiques du groupe, celui-ci n'en continue pas moins d'aligner sur scène un enchaînement extatique de ses tubes les plus lyriques (Hoppipola, Olsen Olsen, Festival...).
A Fourvière, on sera sans doute aussi loin de leur premier concert lyonnais au Transclub en 2001 que de leur prestation magique à l'Auditorium deux ans plus tard. On sera, plus que jamais, entre ciel et terre, entre feu et glace, entre rythmiques sulfuriques et envolées étoilées. En somme, cliché viking oblige, aux portes du Vahlalla.
Sigur Rós
Au Théâtre antique de Fourvière, mardi 30 juillet