La fin justifie le Moyen

La fin justifie le Moyen

Depuis le début de l'été, la Croix-Rousse abrite une nouvelle maison d'édition littéraire. Façon de parler. Car c'est exclusivement sous forme numérique que Moyen-Courrier publie son (passionnant et inédit) catalogue d'essais et enquêtes. Benjamin Mialot

Le papier tel que nous le connaissons est un matériau en voie d'extinction. Et l'écriture cursive, telle qu'on l'enseigne de plus en plus facultativement dans nos écoles, une pratique vouée à n'être qu'une entrée parmi d'autres dans la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité. On peut s'en scandaliser, et mener une guérilla de petits riens (achat de journaux en kiosques, apprentissage de la calligraphie, auto-édition de revues...) pour tenter d'inverser la tendance. On peut aussi s'en remettre à ses instincts darwiniens, et profiter de cette évolution forcée pour remblayer quelque trou culturel.

C'est cette deuxième voie qu'ont choisi d'emprunter Julie Étienne et Élodie Perrin en fondant Moyen-Courrier, une maison d'édition dématérialisée spécialisée dans les essais et des documentaires littéraires de moins de cinquante pages : «Moyen-Courrier est né de deux constats : beaucoup de gens, nous disions-nous, sont aujourd'hui équipés d'une tablette ou d'une liseuse, et beaucoup d'autres le seront très prochainement. Beaucoup de textes forts, nous disions-nous également, plus longs qu'un article et plus courts qu'un livre, ne trouvent pas leur place dans l'édition traditionnelle. Et si l'iPad et le Kindle étaient tout simplement faits pour ces textes passionnants qui se lisent en une ou deux heures ?».

Papiers glaçants

A la lecture des premières publications du duo (proposées à 3, 50€ ou 4, 50€ l'unité), en particulier du clinique et édifiant Une erreur judiciaire de Pamela Coloff, une mise à plat du calvaire de Michael Morton, un Américain accusé à tort du meurtre de sa femme et libéré après 25 ans de prison, on est tenté de répondre par l'affirmative. Et de moins prendre de haut les comparaisons avec Capote, Didion ou Wolfe, entre autres figures de la non-fiction romancée qui planent sur les quatrièmes d'écran de L'Autoroute des disparues de Vanessa Veselka (enquête sur un tueur d'auto-stoppeuses que l'auteur est persuadée d'avoir croisé durant son adolescence), de Guérir. Faillir d'Atul Gawande (qui interroge la notion d'erreur médicale), de Levez le pied de Ted Conover (récit embarqué dans une ambulance de Lagos) et de Nous ne sommes pas quittes de Lawrence P. Jackson (une quête généalogique aboutissant dans les champs de coton de la Virginie esclavagiste).

Autant d'écrits qui allient la force d'évocation d'une nouvelle et la densité informative d'un dossier journalistique. Conformément aux intentions de leurs importatrices : «Nous choisissons des textes portés par un point de vue subjectif. Des textes qui regardent vers d'autres vies que la nôtre et s'intéressent aux petites histoires qui font la grande, des récits bien écrits qui aident à penser l'époque et à lui survivre».

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