Quelques semaines avant la sortie de leur excellent Inside Llewyn Davis, voici que revient sur les écrans Miller's Crossing des frères Coen. Ce n'est que leur troisième film, mais c'est déjà un des plus aboutis, même si cet accomplissement passera relativement inaperçu à l'époque. Lointainement inspiré de La Moisson rouge de Dashiell Hammett, il se situe durant la Prohibition et met en scène une guerre des gangs fictionnelle où les Italiens sont tenus en respect par un flegmatique ponte irlandais (Albert Finney), dont l'autorité sera contestée quand il entamera une liaison avec la sœur d'un bookmaker juif qui a eu le malheur d'arnaquer le boss rital du clan d'en face (un John Turturro déchaîné, chialant sa mère pour qu'on lui laisse la vie sauve).
Au milieu de ce foutoir sentimentalo-criminel se tient, stoïque, Tom Reagan (Gabriel Byrne, dans son meilleur rôle), qui va passer d'un bord à l'autre en lissant le cuir de son Stetson, cherchant à payer ses dettes de jeu tout en sortant par le haut de ce panier de crabes. Le génie de Miller's Crossing tient à l'incertitude qui entoure les motivations de Reagan : agit-il selon un plan diabolique et minutieux, ou se laisse-t-il guider par son instinct, funambule génial s'en remettant au hasard (qu'on appelle aussi «la chance») ?
Tout le film n'est fait que de dialogues vertigineux et de personnages magnifiquement dessinés, et il est porté par un esprit sensationnel qui peut virer au rire comme à la mélancolie — en témoigne un épilogue qui nous arrache quelques larmes à chaque vision.
Christophe Chabert
Miller's crossing
De Joel et Ethan Coen (1990, 2h02) avec Gabriel Byrne, John Turturro...
À l'UGC Ciné Cité Confluence