Jeune, beau, drôle, Jefferey Jordan a tout pour plaire. Seulement voilà, il est violoniste. Et gay. Une double peine dont il a tiré un one-man-show assez ravageur.Benjamin Mialot
Samedi 28 septembre, sur la scène de la salle Rameau, en clôture du festival de l'Espace Gerson et du tremplin qui en a constitué le fil rouge, furent décernés trois prix. Un prix du public, un prix des professionnels, et un prix de la presse. Le premier est allé à Daniel Camus, grand gaillard qui compense un criant manque d'inspiration par une générosité scénique de tous les instants. Le deuxième aussi.
Quant à celui de la presse, il a été attribué, à notre sens (et pour cause : Le Petit Bulletin a eu son mot à dire), à un comique beaucoup plus prometteur : Jefferey Jordan. Aucun rapport avec le fils d'un célèbre basketteur si ce n'est que, comme lui, ce jeune Lyonnais ne manque pas d'air. Il ne manque pas non plus d'esprit, d'affabilité et d'ambition, entre autres qualités sur lesquelles rassure Jefferey Jordan s'affole !, le spectacle qu'il présente en ce moment aux Tontons Flingueurs.
Plus d'une corde à son archet
Rassure ? Oui, rassure. Nous n''avions en effet qu'une crainte : que ce qui fait la singularité immédiate de Jefferey Jordan, à savoir ses atours de gentil pédé et son bagage de violoniste, ne deviennent sur la durée de simples gimmicks tire-applaudissements. Ouf, il n'en est rien. Parce que dans cette mytho-autobiographie, Jefferey a la bonne idée d'aborder son homosexualité et sa cocasse passion sans les différencier (ce qui donne lieu à quelques séquences joliment ubuesques, comme celle de la découverte de son instrument, racontée comme une rencontre érogène). Il a aussi le cran de ne passer sous silence aucun épisode, de son ennuyeuse enfance dans le Cantal à son coming out, même les plus douloureux (le décès d'un frère), s'inscrivant de fait dans cette génération très locale d'humoristes au cœur tendre (Jocelyn Flippo, Jacques Chambon...) dont nous faisons jour après jour nos gorges chaudes.
Surtout, il cache sous son blazer bien épousseté et sa coiffure au ventilateur un sens assez inouï de la vanne limite (on n'a pas osé compter les «oh c'est sale» lâchés par le public) et une remarquable attention à son environnement (mettez lui sous le nez un spectateur de dix ans, loin de se laisser démonter, il en rajoutera). Quitte à laisser planer un doute sur sa sincérité, comme quand, au moment des remerciements, il salue nommément les journalistes présents dans la salle. Au moins, Jefferey Jordan sait ce qu'il veut : le succès. Et on est certain qu'il le connaîtra rapidement.
Jefferey Jordan s'affole !
Aux Tontons Flingueurs, jusqu'au samedi 30 août