De Nabil Ben Yadir (Fr, 2h) avec Tewfik Jallab, Olivier Gourmet, Charlotte Le Bon, Vincent Rottiers...
La marche contre le racisme et pour l'égalité, partie des Minguettes de Vénissieux il y a trente ans, méritait mieux que ce navet dont les maladresses se retournent contre son message même. La caractérisation des marcheurs est au-delà du stéréotype, et leur évolution est conduite avec d'énormes sabots, quand cela ne relève pas de l'aberration totale. Ainsi du personnage de Philippe Nahon, franchouillard grognon et raciste qui finit en défenseur fervent d'une France métissée ; mais les autres sont à l'avenant, telle cette pseudo Fadela Amara qui découvre, après une bonne dizaine de séquences à éructer en féministe courroucée, que le dialogue apaisé, c'est bien, en fait.
Tout est exagéré, outré, noyé dans un humour de multiplexe et, pire du pire, écrit avec un manuel de scénario à l'américaine sur les genoux. Le film a donc besoin sans cesse de désigner des ennemis pour créer du conflit dramatique et en général ce sont les péquenauds français, forcément cons, intolérants, fermés, méchants qui en prennent pour leur grade — mais même SOS Racisme se fait tacler dans les cartons de fin ! La nuance n'est donc pas le fort de La Marche, mais la mise en scène non plus, sans envergure et sans fougue. On conseillera ainsi à Nabil Ben Yadir d'aller revoir le grand débat au centre du Land and freedom de Ken Loach et de le comparer avec sa pitoyable scène d'assemblée pour comprendre ce que filmer la parole et les idées veut dire.
Comme son cousin La Rafle, auquel le film emprunte les mêmes ficelles identificatoires et compassionnelles, La Marche agace alors qu'il aurait dû, par son sujet, susciter une adhésion sans réserve.
Christophe Chabert