Pour clore l'année aux Célestins, pas de paillettes ou de prouesses gymniques comme l'an dernier avec "Alice", mais une famille allemande, les Flöz, qui ré-enchante le théâtre avec ses têtes en carton-pâte. Bienvenue au "Teatro Delusio". Nadja Pobel
Une grande marionnette de vieille reine sur le déclin arrive sur scène, presque éblouie par une douche de lumière perçante. Dans sa robe, plus proche d'un accoutrement d'hôpital que de la tenue de bal, elle ne fait qu'une brève apparition. Les pseudo-marionnettistes qui la tiennent l'embarquent aussitôt en coulisses et reviennent ranger le plateau. Ils sont techniciens, chacun dans son rôle : le doux-rêveur, le fayot et le boss, parfois dépassé s'acharnant à garder la main. Subrepticement, ils cassent leur gangue de travailleurs et l'hédonisme l'emporte. Ils profitent d'être dans un théâtre pour en explorer toutes les possibilités, comme des gamins tombés dans une malle de costumes.
Sur leurs visages, des masques, semblant de figures humaines, grossières mais infiniment expressives malgré leur immobilisme. Aucun mécanisme ne permet un haussement de sourcils ou un mouvement de lèvres. Et pourtant, l'humain ainsi "marionnettisé" parvient à déclencher des émotions fortes. Au contraire, par exemple et dans un autre registre, d'Emilie Valantin, dont le Faust et usages de Faust, également à l'affiche des Célestins en ce moment, se révèle opaque à force de complexité et dont les ficelles apparentes finissent par polluer le propos.
Tête de linotte
Avec les apprentis comédiens de Flöz, tout est source de jeu : la scène de cape et d'épée, le romantisme, le burlesque, l'opéra, le solo d'une danseuse étoile, le lyrisme... Sans mots, ils réussissent à rendre leur spectacle particulièrement "parlant", grâce à un sens du rythme et de la dérision remarquables. Il faut dire que la troupe a de l'expérience.
Le collectif existe en effet depuis 1994, quand des élèves de l'école d'art dramatique et de mime de la Folkwang d'Essen se sont réunis. Ils ont d'abord joué aux abords d'usine Über Tage ("À ciel ouvert"), observant avec acuité et drôlerie le rapport du patron à ses employés et l'arrivée intrusive et déjà envahissante des Chinois. Ils se sont ensuite essayés au ballet de vieux avec Infinita, au service en brasserie dans Ristorante Immortale ou encore à la gestion d'un hôtel avec Hotel Paradiso. Les voilà donc revenus à leur essence, le théâtre. Et force est de constater qu'ils s'y sentent comme des coqs en (carton-)pâte !
Teatro Delusio
Aux Célestins, jusqu'au dimanche 29 décembre