1980 : Gotlib, fondateur du très potache Fluide Glacial (et sujet jusqu'à fin juillet d'une méritée exposition au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme de Paris), traduit Paracuellos, trilogie dans laquelle Carlos Giménez raconte avec une désarmante pudeur son quotidien d'orphelin dans l'Espagne franquiste. Un an plus tard Christian Binet, créateur des Bidochons et pilier du magazine susmentionné, se retourne lui aussi, mais avec nettement plus d'acidité que son collègue, sur son enfance sous la coupe de curetons intransigeants dans L'Institution. L'un et l'autre signaient alors sans s'en rendre compte les premières autobiographies dessinées dignes d'intérêt du continent.
Trois décennies plus tard, et alors que le genre est devenu, du Pilules bleues de Frederik Peeters aux Chroniques de Guy Deslile, l'un des plus féconds, c'est un autre transfuge de Fluide qui s'en empare : Guillaume Bouzard, auteur de l'inénarrable Plageman (le plagiste qui se fait justice). Pot-pourri d'anecdotes et souvenirs dans la lignée de The Autobiography of me (2004-2008), sa fructueuse première incursion sur le terrain miné de la considération nombriliste, Moi, BouzarD recense avec une salutaire autodérision les grands tracas et petites satisfactions d'un artiste installé à la campagne, le long de strips où loufoquerie et désenchantement font bon ménage. Comme dans Le Retour à la terre de Manu Larcenet, dont Bouzard partage l'incroyable polyvalence (voir le grivois La Bibite à bon Dieu ou ses excellentes chroniques footballistiques) et l'expressivité.
Benjamin Mialot
Guillaume Bouzard
A la librairie Le Bal des Ardents, vendredi 21 mars