André Agassi dans le corps du Petit Prince. C'est ainsi que l'on pourrait décrire Max Winson, le héros de la nouvelle bande dessinée de Jérémie Moreau (chez Delcourt), jeune dessinateur que l'on avait découvert en 2012 avec Le Singe de Hartlepool, adaptation magistrale de drôlerie et d'indignation d'une légende anglaise racontant comment, durant les guerres napoléoniennes, les habitants d'une ville côtière anglaise pendirent un singe naufragé vêtu d'un uniforme français après l'avoir accusé d'espionnage.
Ici seul maître à bord – là où il était guidé par Wilfrid Lupano, scénariste du classique de la fantasy orientale Alim le Tanneur – il se frotte à nouveau à la notion de mythe, dont il expose toute l'ambivalence via le portrait d'un jeune génie du tennis se prenant à rêver d'une vie moins cadenassée et éreintante que celle que son père, Pygmalion autoritaire, lui dicte depuis qu'il est en âge de taper dans une balle. Portrait qui n'est pas sans rappeler celui, virtuose, que dressait Bastien Vivès d'une danseuse de ballet dont la quête d'excellence vire au chemin de croix dans Polina, tant par son ampleur narrative – loin de se cantonner à l'aspect initiatique de son matériau, Max Winson traite de la parentalité comme rattrapage d'un échec et du sport comme instrument de légitimation des puissants – que par ses partis pris graphiques – qui le voient préférer aux illustrations classiques qui ont fait son premier succès un style où le sens du spectacle des shōnen japonais le dispute à une élégance caractéristique de la BD d'auteur européenne. Brillant.
Benjamin Mialot
Jérémie Moreau
A la librairie La BD, samedi 5 avril