Il est parfois de très belles et lourdes productions qui accouchent de spectacles plus modestes mais pas moins importants. Aristide Tarnagda figurait en 2013 au générique de la magistrale adaptation d'Une saison au Congo d'Aimé Césaire par Christian Schiaretti, sa troupe permanente et le collectif burkinabé Béneeré. En cette rentrée du TNP très axée sur l'Afrique (cf. Les Nègres par Bob Wilson et en ce moment Une nuit à la présidence par Jean-Louis Martinelli), le Centre National Dramatique laisse carte blanche au comédien pour dire, sous la direction de Marie-Pierre Bésanger, metteur en scène corrézienne travaillée par l'exil et la ruralité, ses racines et ses déchirures.
Interprétant deux frangins, l'un exilé à Paris, l'autre viscéralement ancré à sa Terre rouge, il fustige ainsi l'arrivée des machines (téléphone, télévision), l'invasion de son pays par les produits occidentaux (une certaine boisson gazeuse en tête), le riz chinois, la charité de l'Union Européenne et même la pitié des ONG déboulant en 4X4 ! Rien ne trouve grâce aux yeux du frère resté au pays, qui se souvient de leur enfance dans une belle langue, très minérale, faisant place aux images, aux odeurs, à la sensualité même des goyaviers, des manguiers et de la rosée du matin.
Autant de sensations qui, surlignées par le brio et l'entrain des accordéoniste et clarinettiste Thibault Caumeil et Gabriel Durif, donnent corps à un spectacle tendre et nerveux sur un continent trop souvent en proie aux clichés.
Nadja Pobel
Terre rouge
Au TNP jusqu'au samedi 31 janvier