La région Rhône-Alpes a voté ce mois-ci une aide concrète et en hausse en direction du spectacle vivant et notamment du théâtre. Un geste fort qui mérite d'être détaillé. Nadja Pobel
La semaine dernière encore, Olivier Py entamait sa conférence de presse relative au prochain festival d'Avignon en rappelant à quel point nombre de manifestations culturelles vont être amputées, voire annulées, la faute au non-renouvellement de subventions consécutif à la vague bleue des dernières élections municipales.
Il est donc particulièrement heureux, dans ce contexte austère, que la région Rhône-Alpes affirme en déclarations et en engagement financier son soutien à la culture.
Le 6 mars, le conseil régional a en effet décidé, lors de sa commission permanente, d'apporter son soutien à 15 nouvelles compagnies d'arts vivants, portant à 59 le nombre de structures labellisées "compagnies en Rhône-Alpes" pour trois ans (2015-2017).
Combien ?
Ce sont en tout 22, 5 M€ qui sont dédiés par la région au spectacle vivant, soit 60% de son budget culturel (et précisément 2 288 000€ à ces 59 compagnies accompagnées durant 3 ans).
Par ailleurs, Rhône-Alpes accorde 3 750 000€ à 35 salles conventionnées "scènes régionales" sur son territoire. Certaines d'entre elles ont perdu ce label suite à des difficultés avec leur partenaire municipal, comme ce fut le cas récemment à Pont-de-Claix (Isère), Roanne (Loire) ou Saint-Priest (Rhône), où la ville est intervenue directement dans la programmation des lieux.
Enfin, la Région soutient 114 festivals de spectacles vivants (et déplore la disparition du Hadra Trance Festival et de Fort en Jazz à Francheville).
De son côté, la région Auvergne, rattachée d'ici fin 2015 à Rhône-Alpes, conventionne, sur un territoire quatre fois moins peuplé, dix compagnies et sept scènes régionales.
Qui ?
Les 15 nouvelles compagnies soutenues par la région, dont certaines sont des habituées de nos colonnes, couvrent quatre disciplines artistiques :
- 9 en théâtre : Compagnie de l'Incendie de Laurent Fréchuret, Compagnie Michel Raskine, Compagnie Abdel Sefsaf (ancien directeur de Roanne, limogé par la nouvelle municipalité UMP), Compagnie La Cordonnerie de Samuel Hercule, Compagnie Théâtre de nuit d'Aurélie Morin, Compagnie Don't Act, le Travelling Théâtre de Gilles Granouillet, The Party et Compagnie Nasser Djemaï ;
- 2 en arts de la rue : cie Kumulus de Barthélémy Bompard, cie Blöffique Théâtre de Magali Chabroud ;
- 3 en danse : compagnies de Yoann Bourgeois, François Veyrunes et Maguy Marin ;
- 1 en cirque : compagnie Virevolt d'Aurélie et Martin Cuvelier.
Pourquoi ?
Dans son discours d'explications devant les acteurs de la culture, vendredi 27 mars, le prédisent de la région Jean-Jack Queyranne a réaffirmé à quel point la culture était indispensable au bon fonctionnement de la démocratie, en particulier en ces temps de progression du Front National dans les urnes :
«La culture est au cœur de notre action publique. Elle n'est pas accessoire. C'est un espace de liberté, de connaissance et de la relation avec les autres ; un moyen de lutter contre la barbarie.»
a-t-il affirmé sans détour, avant d"insister sur l'importance de la création :
«C'est cela qui fait l'identité d'un territoire, surtout quand il y a des forces contraires. Il faut préserver l'intelligence, la beauté, la poésie.»
Jean-Jack Queyranne en a profité pour rappeler le fort passif qui lie la région au spectacle vivant (Rhône-Alpes expérimenta la première la décentralisation et a toujours privilégié ce champ, au contraire d'autres régions plus portées sur le patrimoine), et préciser qu'il ne voyait pas l'intérêt pour la région de soutenir une salle qui ne ferait que de la diffusion.
Pourtant, il y a encore une vingtaine d'années, il était impensable pour nombre de théâtres, comme par exemple celui de Villefranche, de faire admettre aux tutelles comme au public que des artistes pouvaient être en résidence et prendre des risques artistiques. Les temps changent...
