Le rappeur le plus provocant du pays débarque à la Marquise. Un beau bordel en perspective.
De loin, cela ressemble à un duel au sommet. D'un côté Kaaris (au Kao), de l'autre Alkpote (à la Marquise). Le même soir.
De près, l'affaire ne fait cependant pas un pli : entre le poids lourd (dans tous les sens du terme) du hardcore et l'autoproclamé «Empereur de la crasserie» ne s'étire pas seulement un périphérique – le premier a grandi à Sevran, l'autre oublié de le faire à Évry – mais aussi tout un fossé, dans lequel Alkpote (prononcez Al-K-pote) déverse depuis un peu plus dix ans des tombereaux de sottises avec la grossièreté décomplexée d'un armateur dégazant au milieu d'un banc de dauphins.
Moins bouffonnes que celles de son vieux pote Seth Gueko, plus méthodiques que celles de son jeune acolyte Vald, les chansons d'Alkpote sont en quelque sorte au rap ce que les films promus par Hallucinations Collectives sont au septième art : de jouissives frasques buissonnières qui, au-delà de leur potentiel clivant (son "tube" fondateur s'intitule Bande de putain de sales putes) impressionnent par leur liberté formelle – voir l'inventivité du bonhomme en matière de néologismes – et la sagacité de leur rapport au réel – cf. le clip de son récent Meilleur lendemain, avec Vald justement, portrait d'une famille rurale détraquée par les injonctions à consommer.
Sur des productions allant de la citation du Wu-Tang à la variation sur un sample de Gainsbourg, celui que dépeint Alkpote à longueurs de saillies misogynes et d'ego trips en dessous de la ceinture (compilés sur un album et une dizaine de mixtapes) fait peine à voir. Mais à la différence de Kaaris, lui en a conscience.
Benjamin Mialot
Alkpote
A la Marquise samedi 11 avril