Après "Une vie de chat", Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli livrent avec "Phantom Boy" un nouveau polar haut en couleurs, qui redynamise les défenses immunitaires de l'école européenne d'animation.
Phénomène étrange chez Folimage : depuis qu'il est passé au long métrage, le patron et fondateur du studio d'animation valentinois, Jacques-Rémy Girerd, réalise des films à l'esthétique disparate et aux scénarios de plus en plus bancals. Pour autant, et c'est heureux, la créativité ne tarit pas entre ses murs, où s'épanouissent d'autres cinéastes. Telle la paire Gagnol-Felicioli, dont la conquérante patte féline s'est posée sur les écrans avec Une vie de chat (2010). Un film brillant de mille audaces — parmi lesquelles une intrigue policière raffinée, un graphisme avant-gardiste empruntant au cubisme, une animation tout en souplesse — récompensé par un joli parcours en salles ainsi qu'une citation au César et à l'Oscar. Tant de qualités, qu'on redoutait presque de voir émoussées dans leur nouvel opus Phantom Boy. Soulagement : elles sont intactes ! Le duo fait même preuve d'un joli culot en contant ici l'histoire de Leo, un petit New-Yorkais hospitalisé pour chimiothérapie, mais capable de "sortir de son corps" sous forme fantomatique pour aider un policier à sauver la Big Apple d'un odieux maître-chanteur.
L'hôpital et ses fantômes
Thème repoussoir pour les parents, la maladie enfantine bénéficie en général d'un "traitement" cinématographique limité à des mélos aussi larmoyant que calamiteux. Phantom Boy brise les conventions doloristes en optant pour le polar et en conférant au petit patient des pouvoirs de super-héros (il pratique l'ubiquité, son ectoplasme vole dans les airs, traverse les murs...). La lutte contre le méchant au visage cassé extériorise, par métaphore, le combat que le garçon mène dans son organisme : Leo est une cible, un trésor à piller, au même titre que New York pour le chef des criminels. On est loin des poneys arc-en-ciel et des pokeschtroumpferies ! Cette modernité d'approche n'est pas incompatible avec une exécution traditionnelle : c'est sur du papier que Phantom Boy a été dessiné, un support qui confère aux à-plats une texture légèrement granuleuse et une apparence irrégulière. Donc vivante, éloignée du zéro défaut aseptisé produit par le numérique — certes bien joli, mais uniforme. Une nouvelle pierre (colorée) dans le jardin de ceux qui veulent calquer la production européenne sur les standards stylistiques dominants (Le Petit Prince, vous vous souvenez ?). Phantom Boy prouve que l'on peut (très bien) travailler avec des codes esthétiques singuliers ou divergents...
Phantom Boy
D'Alain Gagnol et Jean-Loup Felicioli (Fr/Bel, 1h24) animation