Ancien compagnon de route d'Alain Péters, ami des Lo'Jo, le Réunionnais René Lacaille, devenu au fil du temps chantre de l'accordéon, vient inaugurer la première du festival Bretelles du Monde.
A la fin des seventies, alors que le punk rugit sur le continent, du côté de l'île de La Réunion une poignée d'étranges musiciens se réunissent dans le sous-sol d'un cinéma, le fameux et fumeux Royal. Le propriétaire des lieux, André Chan Kam Shu, en a fait un studio de répétition d'où sortent une flopée de 45 tours qu'il édite. Là, une bande de chevelus répète, joue, compose et expérimente : le meneur de ce crew qui va changer la face de la musique locale se nomme René Lacaille, il sera vite rejoint par celui que toute la Réunion vénère aujourd'hui, le charismatique Alain Péters.
Tous deux montent un groupe dont l'espérance de vie se limitera à trois années mais qui va faire vibrer tout ce que l'île compte de mélomanes - et encore aujourd'hui, tous les diggers de la planète depuis que Gilles Peterson a joué l'un de leurs rares 45t, La Rosée si feuille songe, dans son Worldwide hebdomadaire : Les Caméléons.
Un combo nourri du rock de Led Zeppelin, Pink Floyd et Hendrix, largement infusé au maloya que ces jeunes gens ont redécouvert grâce à Paul Vergès, alors leader d'un Parti Communiste Réunionnais en lutte contre le pouvoir néo-colonial du député Michel Debré, qui a fait de cette musique de révolte un cheval de bataille. Les Caméléons symbolisent artistiquement cette volonté de liberté créative et de reconnaissance des racines propre à l'époque. Loy Ehrlich complète le tableau psychédélique, fraîchement débarqué de métropole où il avait côtoyé Gong, Higelin et Crium Délirium.
Sur les chemins de traverse
Si Alain Péters a obtenu une reconnaissance posthume en métropole, René Lacaille bien qu'installé à Grenoble depuis de longues années, n'a pas eu la même exposition médiatique. Ce sont ses confrères musiciens qui l'ont adoubé : à commencer par Lo'Jo et son copain Denis Péan, qui l'ont repris sur disque. Fantazio, le contrebassiste de l'impossible, Bob Brozman, le bluesman américain avec qui il a produit sans doute son meilleur disque, le très beau Digdig en 2002. Ou encore Bernard Lubat, son compagnon d'accordéon, qui l'a invité à son festival. Daniel Waro, complice, évidemment. Vincent Ségal aussi, avec qui il partagea la scène pour un mémorable hommage à Péters.
Issu d'une grande famille de ségatiers, formé à l'école des bals avec son père où il jouait aussi bien du Claude François que de la biguine, René Lacaille n'en est pas moins l'une des figures les plus importantes des Mascareignes, adepte des chemins de traverse où seul le séga de son enfance reste un fil rouge qu'il malmène et caresse avec ses compagnons d'échappée belle : pour ce concert au festival Bretelles du Monde, le tonton René sera en trio, accompagné de son fils Marco, pour présenter son spectacle Gatir : le lien, en créole. Comme celui qu'il tisse patiemment depuis quatre décennies entre son île et le monde. SB
René Lacaille
Festival Bretelles du Monde au CCO samedi 30 janvier
René Lacaille, marmaille, créole et Réunion documentaire de Mona Makki sur France 3 mercredi 27 janvier à 1h30