Du texte noir d'Octave Mirbeau sur un homme puissant, vaniteux et autoritaire, Claudia Stavisky tire un spectacle académique et sans fioriture porté par un François Marthouret en grande forme. Nadja Pobel
Quand le rideau se lève sur Les Affaires sont les affaires (1903), le décor beau, imposant et presque sobre (dépourvu de toutes les babioles afférentes à un intérieur bourgeois) donne cette fâcheuse impression d'être revenu des décennies en arrière et d'assister à une séquence d'Au théâtre ce soir. La scène inaugurale entre une épouse sage et trop brushée et sa fille ado révoltée, les cheveux en bataille, n'arrange pas le tableau d'une opposition trop caricaturale.
Quand l'intrigue progresse, Claudia Stavisky tente d'introduire un peu de contemporanéité avec une télé écran plat. Raté ! L'émission diffusée est commentée par un homme se revendiquant d'antan, Stéphane Bern. L'animateur nous parle d'un château occupé par monsieur Lechat, parvenu qui s'est construit une fortune en escroquant à tout-va, s'est acheté un journal et s'essaye désormais à la politique, en mentant sur ses convictions. Toute ressemblance avec Bernard Tapie et Silvio Berlusconi est bienvenue. Mais la metteur en scène a la délicatesse de ne pas les singer.
À chacun sa cassette
Et voilà que son travail trouve alors sa vitesse de croisière. Grâce notamment à son comédien principal, François Marthouret. Ce dernier évite de tomber dans le cabotinage pour donner de la profondeur à son personnage d'une antipathie allant crescendo. Rien, pas même les drames familiaux qui l'accablent, ne parvient à excuser sa misanthropie.
C'est en creusant cette veine-là, en éclipsant astucieusement les autres rôles masculins réduits à leur portion congrue, que cette pièce progresse sans heurts jusqu'à la solitude supposée de l'oligarque. Il y a du Harpagon chez ce jusqu'au-boutiste. Et Stavisky ne le fait pas dévier de ce parti-pris.
Mais il manque in fine à l'ensemble de cette adaptation scénique un peu de folie et d'inventivité, de celles par exemple qui ont présidé à L'Avare version Ludovic Lagarde le mois dernier à Villeurbanne, dont on entend forcément ici l'écho.
Les Affaires sont les affaires
Aux Célestins jusqu'au 26 mars, puis du 3 au 7 mai