Danse sur Glace / Ni du patinage artistique ni un show à paillettes, le travail de la compagnie québécoise Patin Libre propose un genre nouveau : la danse sur glace loin des notes des juges. À Londres en janvier, son leader Alexandre Hamel, 32 ans, nous expliquait pourquoi il voulait sortir des sentiers battus. Et comment il y est brillamment parvenu avec le diptyque Vertical / Influences.
Le patinage sur glace ? Une formalité ou presque pour tout gamin né au Québec : « Tous les gosses ont une paire de patins, chez nous » précise d'emblée Alexandre Hamel qui rapidement, grâce à un système très élaboré, patine trois à cinq heures par jour de 9 à 22 ans !
Une carrière en solo est possible « mais au Canada, cette discipline est une télé-réalité » dit-il. Il devient professionnel avec Holiday on Ice, dont il garde un souvenir amer. On lui parlait sur le mode « lève la jambe, mets ton costume, ferme ta gueule. » Il doit inventer autre chose.
Sans note
Alexandre Hamel vient à la danse, se souvenant qu'au début du patinage « cette pratique était un pastiche de ballet. Dans les années 90, c'est devenu un sport télévisuel axé sur le show et le sexe. Avec Holiday on Ice, c'est la traduction sur glace du Lido. » Et cette question : mais comment donc le patinage peut devenir contemporain ? C'est ce qu'il propose en ôtant les vieillots oripeaux, travaillant d'abord avec ses copains d'entraînements, pour des spectacles de carnavals sur les lacs d'hiver. Pascale Jodoin rejoint la troupe en 2008, qui prend sa forme actuelle en 2011. Ils sont désormais cinq, « parce que ça tient dans une voiture pour la tournée ! » rit Alex.
Ni seulement sportifs ou uniquement showmen, ils sont désormais aux programmations de lieux culturels : festival d'Édimbourg, Montpellier danse, théâtre de la Ville à Paris... Si à l'entraînement, les patineurs enchaînent encore les triples sauts, ils ne cherchent pas la performance à tout prix, préférant explorer « la force [qui] repose sur la vitesse à plusieurs » comme le confie Alex puisque « faire un triple saut est beaucoup plus facile que de faire le crabe sur une ligne unique » poursuit-il.
Garder une fluidité dans le mouvement est essentiel. C'est pour cela qu'ils se sont entourés de la dramaturge Ruth Litlle (qui a travaillé avec Sidi Larbi Cherkaoui et Akram Khan) et non pas d'une chorégraphe : ils redoutaient de produire une énième déclinaison de la danse sur glace, comme il en existe déjà avec le tango, le rock...
La seule fille du quintet n'endosse pas un rôle spécifiquement féminin. Tout comme il n'y a pas de costumes outranciers. Sans esbroufe, ces cinq patineurs empruntent donc une nouvelle voie : celle qu'ils ont inventé avec un brio absolu et une réelle capacité à donner du sens à leur gestuelle.