Patrimoine / Que reste-t-il de ce XXe siècle déjà passé que nous avons tous connu ? Réponses avec Yves Belmont, tout juste à la retraite de son poste de conseiller pour l'architecture à la DRAC Rhône-Alpes et pilote du label Patrimoine du XXe siècle.
Le label Patrimoine XXe siècle a été créé à la suite d'une circulaire gouvernementale en 2001. Quel était l'objectif ?
Yves Belmont : À l'époque, on avait attribué au ministère de la Culture la compétence architecture qui relevait avant du ministère de l'Équipement. On a découvert, le millénaire aidant, que l'on pouvait mettre les architectes et les conservateurs du patrimoine autour de la table et que le patrimoine du XXe siècle était leur bien commun.
Les bâtiments du XXe ne sont pas forcément "remarquables" ? À quoi les reconnaît-on ? Quels sont les grands marqueurs qui les identifient ?
On n'a jamais construit autant que depuis la révolution industrielle. La quantité de bâtis n'a jamais été aussi importante. Pour ce qui est de la composition de l'habitat, il y a peu de prétention au XXe. Quelques personnes s'offrent une maison chic par amour de l'art et parce qu'ils ont de l'argent, mais socialement parlant, ça représente peu de choses. Ensuite, il y a les édifices publics mais il y en a peu. Si vous regardez par le passé, à l'époque gothique par exemple, vous faites une cathédrale, une église par congrégation religieuse et vous n'allez pas en faire davantage. Aujourd'hui c'est un peu pareil : vous allez faire des collèges, des lycées et des universités dans le territoire. Et même si ça fait nombre par rapport à ce qui se bâtit, ça reste modeste.
Y'a-t-il une spécificité de Rhône-Alpes par rapport aux autres régions en matière de bâti ? Il y a beaucoup de montagnes, de stations nouvelles...
Les stations de ski sont effectivement la grande originalité. La plus spectaculaire est celle d'Avoriaz car il y a des formes assez mouvementées et ces formes s'harmonisent bien avec les montagnes et les falaises en arrière-plan. Du point de vue visuel et des paysages, au sens pictural même, ça marche pas mal. Mais ce ne sont pas les contraintes de la haute montagne qui ont permis de développer la créativité : plutôt le fait qu'il s'agit de constructions dédiées aux loisirs et aux vacances. Comme pour la Grande Motte en Languedoc-Roussillon. Par ailleurs, il y a eu une grosse mutation de matériaux en faveur du bois comme on le voit à Avoriaz, en lien avec l'écologie et les économies d'énergie.
Quels sont les styles de bâtiments les plus classés ?
Il y a du nombre en matière d'édifices religieux. Puis vous avez des logements collectifs dont le plus remarquable sont Les Étoiles de Givors avec son système de terrasses et de retraites successives.
Cette liste a été mise à jour plusieurs fois. Comment les bâtiments sont-ils sélectionnés ?
Cela vient en se baladant, on repère quelqu'un qui s'est "décarcassé", ça passe en commission d'experts à la DRAC. Ça se fait un peu à l'impulsion, sans prétention scientifique, mais ça a la prétention culturelle de montrer ce qui peut être intéressant en construisant un discours autour. Ensuite, ça peut passer en protection. Les édifices qui ont bénéficié du plus de publications dans des revues scientifiques dédiées à l'architecture pendant les Trente Glorieuses, ce sont les trois tours de Grenoble, des gratte-ciels de 98 mètres dans le quartier de l'Île Verte.
Quels sont les derniers sites entrant ?
On a classé récemment une maison d'un particulier à Roanne, un peu dans le goût américain avec des volumes qui se répartissent librement dans un parc. Concernant les édifices publics, il y a le musée urbain Tony Garnier et le quartier des États-Unis avec toute l'histoire de l'habitat social qui accompagne la vague de l'industrie. Il y a l'appartement témoin à visiter.
Quel est le site qu'il faut impérativement avoir vu ?
Le Château Perrache. Il faut voir l'intérieur du hall d'accueil de cet hôtel entièrement art nouveau. Je recommanderai aussi, si on met de côté le couvent de la Tourette et le site de Firminy déjà très connus, la Cité des Étoiles de Givors. Il y a aussi des œuvres récentes comme le restaurant administratif de la préfecture à Annecy et la bibliothèque de Cran-Gevrier à côté. Ajoutés au réaménagement du complexe des Marquisats par André Wogensky (NDLR : l'architecte de la piscine de Firminy), ça fait un petit tour d'Annecy bien combiné !