Égaré dans une nature portugaise sauvage, un ornithologue est confronté à de troublantes situations et des épreuves modifiant sa personne en profondeur. João Pedro Rodrigues accomplit ici un fascinant survival entre mystique et baroque, à l'érotisme gentiment sulpicien.
João Pedro Rodrigues n'aime rien tant que les initiations ; faire découvrir à ses personnages des territoires insoupçonnés voire, pourquoi pas, les inviter à emprunter des sentes interdites. Seulement, il lui arrive de sacrifier à un certain hermétisme (ah, l'éprouvant souvenir de O Fantasma !) ou de se limiter à un imagier fétichiste un peu cliché — comme s'il avait à s'acquitter de figures imposées. L'Ornithologue incarne une belle rupture : à la fois contemplatif et fantastique, ce film d'aventure pétri d'esthétique ainsi que de références religieuses (il s'agit d'une variation sur la figure de Saint Antoine de Padoue), relance à chaque instant la surprise du spectateur par ses multiples rebondissements narratifs et bifurcations visuelles.
La bête à deux Fernando
Rodrigues glisse allègrement de la promenade bucolique à la trajectoire ésotérique en précipitant son naufragé, l'affûté Fernando, dans une succession de mésaventures rappelant autant les ambiances bizarres de Ben Wheatley ou des frères Larrieu que The Blair Witch Project et Délivrance ! Ses déambulations le mènent ainsi entre les griffes de deux randonneuses chinoises qui s'entraînent sur son corps d'athlète au bondage scout — avec un aplomb calme qu'apprécierait Kim Ki-duk — puis dans les bras d'un berger peu farouche ; à être la proie d'amazones modernes ainsi que d'adeptes d'un étrange culte païen... Un chemin de croix, jusqu'à une sorte de transfiguration, ou plutôt de dissociation.
Cette dernière permet au réalisateur de s'incarner tel un contrepoint “christique” (en l'occurrence, “antonien”) de son héros, plutôt du genre bear baraqué. Une manière plutôt originale de prendre corps avec une figure fantasmatique...
L'Ornithologue de et avec João Pedro Rodrigues (Port-Fr-Bre, avec avertissement, 1h57) avec également Paul Hamy, Han Wen, Chan Suan...