Épicerie-comptoir / Entre le néo-quartier de l'industrie et le pôle multimodal de la gare de Vaise, le chef étoilé de la Mère Brazier installe sa boulangerie et offre à voir et à acheter sa cargaison d'épicerie fine.
L'installation d'un chef de renom est désormais un argument (ou un "produit d'appel") dans le déploiement de nouveaux projets urbains. C'était l'objectif de l'installation à la Confluence de l'étoilé Le Bec (échec...). Le néoquartier de l'Industrie à Vaise a de son côté accueilli, dans sa première phase de développement, le groupe Bocuse (L'Ouest puis Ouest express). On n'y attendait pas forcément une autre star de la cuisine lyonnaise. C'est pourtant à quelques rues de là que le col tricolore Mathieu Viannay vient d'installer son nouveau et ambitieux projet. Il arrive avec sous le bras l'image de marque et le poids historique de la Mère Brazier (il dirige le restaurant de la rue Royale depuis 2008) : la photo de la mythique cheffe lyonnaise s'affiche en grand, en noir et blanc, sur l'un des murs extérieurs.
Cette épicerie-comptoir a, de loin, de faux-airs de mini-corner "gourmet" de grand magasin : des rayonnages de boîtes, bocaux et bouteilles rares, un stand de boulangerie, un étal de fromages, un autre de charcuterie. Une bonne partie des produits frais est fabriquée sur place : le pain, les pâtisseries et viennoiseries, et puis le paté-croûte, élaboré selon la recette du 1er arrondissement, là où est la maison-mère.
Un midi, dès la semaine d'ouverture, quand le grand chef himself était encore là à trancher le jambon blanc, on a voulu s'essayer, sur tabourets hauts, aux sandwiches et salades. On s'est jeté sur un truc saucicélophané qui ne payait pas de mine, et dont le descriptif nous aurait fait fuir partout ailleurs : un pain au lait garni de saumon et cresson. Le poisson vient de chez Vianey (l'excellent poissonnier de la Croix-Rousse) et est gravlaxé sur place, la tartinade à la ciboulette est faite de faisselle de Bresse, et le pain sort du four, ce qui donne finalement un assemblage délicieux.
Après avoir ramené son petit plateau plastique dans le coin dédié à la mastication, on peut encore craquer pour un verre de vin, comme le Patrimonio d'Yves Leccia, servi par une sommelière (une vraie, avec un pin's grappe de raisin). Oui, il y a ici un mélange des genres assez déroutant, tant dans le dispositif, que dans la diversité des produits (au déjeuner, baguette-rosette ou caviar osciètre ?)
Mais le plus épatant reste l'épicerie fine. On trouve sur les étagères les mêmes trésors que dans les meilleures cuisines de resto lyonnaises. Par exemple, les flacons d'Alexis Muñoz, expert en huiles d'olive, receleur de chefs étoilés. Au même rayon : les produits de l'Huilerie Beaujolaise, les vinaigres artisanaux de l'Anjou, les cornichons français de la maison Marc (qu'on croque à l'Élysée). Passons les pâtes Garofalo ou les sauces Panzani-Viannay (plus chères qu'au Casino d'en face), qui voisinent de petits pots en plastique blanc, contenant les très recommandables épices des Saveurs du Cachemire.
Un peu plus loin, on peut se ruer (comme Brad Pitt) sur les confitures alsaciennes de Christine Ferber, voire sur les tablettes de chocolat de Bernachon ou de Bouillet. Évidemment, on trouve aussi ici nombre de vins et spiritueux. En fouinant un peu : les magnifiques Fiefs Vendéens de Thierry Michon, les superbes Silex de Dagueneau ou les surprenant Sydres de Bordelet.
Est-ce que tout cela est hors de prix ? Pour un p'tit déj', par exemple : la baguette est à un euro, la plaquette de beurre Bordier à cinq, et le pot de confiot' requiert un billet de dix. Donc oui, on peut logiquement trouver ça cher. Quoiqu'on évite ici les marges terrifiantes pratiquées dans certaines échoppes chics proches de Bellecour ou Lafayette...
Épicerie-Comptoir Mère Brazier
53 Rue de St Cyr, 9e
Tous les jours de 8h à 20h (13h le dimanche)