Politique Culturelle / Reconduit à la tête du Radiant pour cinq nouvelles années, dépêché par la mairie de Décines pour assurer la programmation du Toboggan après le limogeage de Sandrine Mini, Victor Bosch a longuement pris le temps de nous raconter ses missions. Avec enthousiasme et verve. Digest.
Vous étiez le seul en lice pour briguer cette délégation de service public (753 000€ de subvention de la ville, en légère baisse) du Radiant après votre arrivée en 2012. Quels axes avez-vous mis en avant ?
Victor Bosch : La continuation de ce que nous avions fait jusque là : ouvrir à 360 degrés et être très éclectique, car aujourd'hui Lyon a suffisamment de structures nobles (TNP, Maison de la Danse, Célestins, Opéra...) et la ville est fournie en culture de type "élitiste". C'est un terme que je n'aime pas... disons une culture plus en recherche, et je pense que c'est très bien d'avoir des endroits plus fédérateurs et en résonance avec ces institutions. Même si de plus en plus, j'essaye d'élargir à des créations pour amener le public à d'autres découvertes. On se meurt des clivages dans ce milieu. Quant à la subvention, elle se justifie avec les nombreuses actions de terrain que nous faisons. Elle représente 20% des 3 M€ de chiffre d'affaire.
Y'a-t-il des tendances entre la répartition concert/spectacle vivant/one man show ?
C'est très aléatoire. Il n'y a pas d'algorithme. Le Radiant reflète la société dans laquelle on vit. On se rend compte à ma grande surprise qu'on retrouve ici des gens qui vont voir des choses pointues aux Célestins ou au TNP. Et c'est très bien. Il n'y a pas un public par type de salle. Par exemple, pour L'Envers du décor avec Daniel Auteuil (2200 personnes en deux jours), j'ai croisé des gens vus ailleurs pour d'autres spectacles. Ou des habitués de la Maison de la Danse venus voir Rock the ballet au Radiant. J'ai aussi beaucoup de musiques actuelles, mais ce n'est pas mon cœur de cible.
J'aime que tous les publics se retrouvent, qu'au même endroit on puisse avoir Nana Mouskouri pour la grand mère et The Kills pour son petit-fils en 24 heures.
Vous êtes désormais depuis un mois aussi en charge de la programmation du Toboggan. Comment la mairie vous a-t-elle convaincu ? Jusqu'à quand êtes-vous là ?
Pour l'instant, je n'ai même pas signé de contrat ! C'est la ville qui signe les artistes. La précédente mairie (PS) m'avait déjà contacté à l'époque de Jean-Paul Bouvet (NdlR directeur de la salle de son ouverture en 1997 à 2014), j'avais décliné. Le public n'a jamais été vraiment présent et ça n'a rien à voir avec les directeurs, dont Sandrine Mini qui a par ailleurs été limogée dans des conditions très dures, je sais très bien ce qu'elle a subi.
Ça a toujours été un lieu un peu sous perfusion. La mission (NdlR, notamment la convention Danse passée avec la DRAC) était très pointue. Le Toboggan a été construit sur une utopie, cet équipement magnifique ressemble à une scène nationale mais a été construit en périphérie de Lyon, avec la prétention que le bassin de population, aussi érudit soit-il, pouvait assumer le remplissage. Mais c'est faux. Mon challenge est de le remplir. Les Décinois n'y vont pas assez. Je veux qu'il y ait 70% de têtes d'affiches et 30% de spectacle type Jiří Kylián, comme prochainement.
Comment maintenir un prix décent pour une population au faible pouvoir d'achat avec les 600 000€ bloqués de subvention, tout en programmant des têtes d'affiche dont la place au Radiant coûte 40 ou 45€ (Stéphane Guillon, Gaspard Proust...) ?
Les prix seront adaptés, mais un peu plus élevés qu'actuellement au Toboggan. Certaines institutions font des billets à 5 ou 7€ pour des jeunes qui n'y vont pas et sont prêts à payer 60€ pour voir Coldplay... Donc on va programmer Vincent Dedienne et la place sera à plus de 30€, oui. Il y aura aussi Gaspard Proust, Imany, Olivia Ruiz (version concert, pas le travail de Gallotta), le spectacle de théâtre À vif de Kery James qui a rempli le Rond Point cet hiver à Paris, beaucoup de rock avec des concerts debout.
Et puis Mourad Merzouki et son festival Karavel qui sera reconduit. Car il y aura toujours de la danse, mais malheureusement c'est la discipline (avec le lyrique) qui coûte le plus d'argent, pas pour le coût de cession mais parce que les danseurs ont besoin de mise en place, de répétitions, d'occupation du plateau plusieurs jours en amont.
On fera environ quarante spectacles dans cette saison. L'Opéra de quat'sous créé par Jean Lacornerie, directeur du théâtre de la Croix-Rousse sera programmé dans la saison 2. Il n'y a pas 36 000 méthodes, il faut amorcer la pompe. Mais mon but n'est pas de casser, c'est de remplir ce théâtre pour ensuite faire venir d'autres choses.