Direction Artistique / À Charlie Chaplin comme au Toboggan, voici venir deux directeurs pas si nouveaux : Mourad Merzouki et Victor Bosch, déjà à la tête d'autres salles. Cette concentration des pouvoirs menace-t-elle la diversité de l'offre ?
Poussée vers la sortie avec force par la mairie de Décines, Sandrine Mini, qui a eu à cœur de défendre au Toboggan une programmation exigeante, a pris du galon : elle fait sa rentrée à la tête de la scène nationale de Sète. Fin de la belle histoire. Denis Djorkaeff, l'adjoint à la Culture, a fait appel à « une référence, à même de faire une programmation dans un temps record » comme il nous le confiait en mars dernier, en même temps qu'il annonçait la venue de Victor Bosch.
Depuis, le directeur du Radiant à Caluire a vu sa mission se préciser. Il est officiellement directeur artistique et programmateur du Toboggan pour une durée de trois ans. Soucieux « de ne rien casser de ce qui a été précédemment fait », il garde sa recette éclectique, tentant de répondre aux besoins de sa nouvelle tutelle de faire un théâtre de proximité avec un taux de remplissage de 80% et apport de Décinois (ou originaires du grand est lyonnais) de 50%, d'ici à deux ans, pour que les habitants trouvent chez eux ce qui les interessaient peut-être ailleurs. En l'occurrence au Radiant, serait-on tenté de dire : car au petit jeu des comparaisons, onze spectacles programmés à Caluire cette saison se retrouvent à Décines, soit un quart de la programmation.
De quoi s'inquiéter sérieusement quant à la pluralité de l'offre : on verra pour des tarifs quasi similaires et à quelques jours d'intervalle L'Être ou pas avec Pierre Arditi, À gauche, à droite avec le duo Huster/Laspalès, ou les one-man d'Alex Vizorek, Pierre-Emmanuel Barré et Vincent Dedienne. Les Décinois vont devoir débourser plus qu'auparavant (jusqu'à 40€). Sans douter du discours de Victor Bosch défendant toutes les cultures et le droit à l'accès au divertissement où que l'on vive (au Radiant, s'enchaînent un spectacle colombien de Sens Interdits et la folk de Fink), il acte ce que la mairie a voulu : supprimer cette année au moins la danse contemporaine, pour laquelle cette scène était conventionnée par la DRAC. Cette dernière n'a pas encore rendu son verdict concernant les 85 000€ versés annuellement jusque-là...
Deux pour cinq
Mais il y aura au moins du hip hop au Toboggan, via le festival Karavel, comme au Radiant, comme logiquement à Pôle Pik, à l'Espace Albert Camus de Bron et même au centre Charlie Chaplin. Le festival créé par Mourad Merzouki essaime sur toute la métropole et lui-même, directeur du CCN de Créteil jusqu'en juin 2019, en charge de trois créations en 2018 dont une encore en pourparlers avec les Nuits de Fourvière et une autre à la prochaine Biennale de la Danse, signe sa première programmation pleine à l'Espace Albert Camus, après qu'ait été opéré en 2016 le rapprochement de cette salle avec Pôle Pik en un Pôle en scènes.
Cette mutualisation aboutit à une programmation plus axée sur la danse et le cirque à Bron (Jamie Adkins, Petit travers, Yan Raballand...), le théâtre étant souvent à destination des enfants. Mais en mai, faisant preuve d'imagination, c'est la mairie de Vaulx-en-Velin qui l'a appelé pour fabriquer la saison du Centre Charlie Chaplin après plusieurs mois de problèmes internes. Il prend temporairement la suite d'Élisabeth Vercherat.
Lui ne fait aucun décalque de ce qui est déjà à l'affiche d'Albert Camus. Il va programmer le concert de Mouss et Hakim, anciens de Zebda, qu'il ne pouvait accueillir faute d'avoir une salle “debout”. Une vingtaine d'autres spectacles seront à l'affiche, alternant les disciplines avec les délicats circassiens de Lapsus, la danseuse Blanca Li absente depuis plusieurs années de l'agglomération et l'épatant Bounce ! de la compagnie Arcosm, qui avait été subrepticement déprogrammé au Toboggan justement au printemps par Denis Djorkaeff... Si l'on veut bien admettre que la dichotomie mauvais théâtre privé / bon théâtre public est infiniment caricaturale, il n'en demeure pas moins que dans toutes les salles évoquées, le théâtre public est quasi absent, laissant place ici à Éric Métayer et Alex Michalik. Pour, au moins ici, un prix modique.