Frédéric Péguillan : « le dub se prête à toutes les expérimentations »

Frédéric Péguillan : « le dub se prête à toutes les expérimentations »
Telerama dub festival

Transbordeur

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Télérama Dub Festival / Quinze ans déjà que Frédéric Péguillan ausculte le dub sous toutes ses formes, au travers du Télérama Dub Festival qu'il a lancé à Paris avant d'en faire un événément itinérant. Le journaliste de l'hebdomadaire, fan inconditionnel des Clash, nous raconte cette story avant une halte toujours très attendue au Transbordeur.

15 ans : ça commence à être très respectable, pour un festival. Quel est le secret pour durer, rester pertinent dans sa programmation ?
Frédéric Péguillan :
Oui, rester pertinent, suivre l'évolution de ce genre musical qu'est le dub et surtout respecter la ligne du festival qui est de présenter le dub sous toutes ses facettes : live, live machine, DJ sets, sound-system. Et proposer des créations inédites dans la mesure du possible, avec nos moyens financiers qui ne sont malheureusement pas extensibles. Faire partager mes goûts pour que le public prenne autant de plaisir que moi. Mais après 15 ans, je me dis qu'il est peut-être aussi temps que le festival prenne une autre forme.

Comment Télérama s'est retrouvé à organiser un festival de dub ? Est-ce que l'hebdo organisait déjà d'autres événements avant ?
Télérama organisait (et organise toujours) fin janvier un festival de cinéma sur dix jours, où nous présentons nos coups de cœur de l'année. C'était le seul événement organisé en 2003, lorsque j'ai lancé le TDF. Celui-ci est né après un reportage que j'ai réalisé l'année précédente sur la scène dub française, alors en pleine émergence avec des groupes comme Zenzile, Brain Damage, High Tone, Improvisators Dub, Kaly Live Dub... Cette génération spontanée m'intriguait, moi qui avais écouté beaucoup de dub dans les années 80-90. J'ai donc proposé à Glazart et à Télérama un festival pour promouvoir cette jeune scène et ils ont trouvé l'idée excellente.

À l'époque, il n'existait aucun festival dédié au dub en France et je ne pense même pas en Europe. Mais si on m'avait dit que quinze ans plus tard, ce festival existerait toujours et aurait une résonance mondiale auprès des fans de dub, je n'y aurais pas cru.

Comment a évolué le dub au fil des 15 années d'existence du festival et comment avez-vous réagi à ces évolutions, comme celle de l'explosion des sound-systems après des années de domination du live ?
Effectivement, la scène sound-system a explosé. Il n'y a pas une grande ville en France voire en Europe qui n'ait pas au moins un sound-system et c'est sûr que le public se déplace aussi pour ça. Mais je ne veux pas que le TDF se limite au sound-system qui n'est qu'une des composantes du dub. D'autant qu'il existe de bons festivals dédiés comme le Dub Camp, des dub corners dans les festivals de reggae et des soirées type Dub Station qui diffusent très bien cette culture-là. Donc, notre rôle est de faire quelque chose de différent. On remarque que de plus en plus d'artistes et producteurs de dub réintègrent des instruments "traditionnels" (percussions, cuivres, basse...) dans leurs sets live. Et c'est plutôt intéressant.

Est-ce qu'il y a toujours la même créativité dans le dub aujourd'hui ?
Disons qu'il y a davantage d'artistes. Certains se contentent de reproduire des schémas déjà dessinés par d'autres, notamment dans la ligne UK steppa. D'autres tirent davantage vers la techno en s'affranchissant du skank reggae. Mais je regrette un certain manque de métissage, le dub pouvant se marier avec toutes les musiques : world, chanson, jazz, rock... J'aimerais que davantage de producteurs aient l'audace de s'y risquer comme les new-yorkais Dub Trio qui croisent dub et métal ou le projet Dub de Gaita où Adrian Sherwood a remixé la cumbia de Los Gateiros de San Jacinto, un groupe colombien qui sera au TDF à Paris avec ce projet. Je pense que l'avenir du dub passe aussi par là.

Le format est plus réduit cette année : est-ce le signe d'un moindre intérêt pour le dub du public ?
Non, c'est surtout dû à des questions économiques. Autant en 2015 le festival a cartonné (onze dates complètes sur douze) et ce malgré l'attentat du Bataclan, autant l'an dernier ça a été plus dur en termes de fréquentation. Nous avons préféré réduire un peu la voilure en produisant moins de dates, mais copieuses en termes de programmation. L'équilibre financier est dur à trouver à partir du moment où le TDF n'a ni sponsor, ni mécène, ni subvention hormis celles de quelques sociétés civiles (CNV, Sacem...). Mais je regrette aussi que le public ne soit pas plus curieux. Il me semble qu'en quinze ans, le TDF a fait ses preuves et qu'on peut y aller les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes, comme aux Transmusicales de Rennes. Mais ce sont trop souvent les mêmes têtes d'affiche qui attirent le public et ça devient un peu lassant de devoir toujours les programmer, aussi bons soient-ils.

Lyon est une ville qui a marqué l'histoire du dub en France : est-ce une halte particulière pour vous, au Transbordeur ? Quels souvenirs avez-vous du dub lyonnais ?
Lyon est bien évidemment une étape incontournable pour le festival de par son histoire avec le dub, mais aussi parce que le public a toujours répondu présent, qu'il est très enthousiaste, passionné même. Il y a toujours une ambiance de folie au Transbordeur et ce dès le début de soirée dans le club. J'aime beaucoup ce lieu dont on sent encore le passé industriel. C'est d'ailleurs à Villeurbanne, au Pezner, aujourd'hui disparu, que j'ai vu pour la première fois High Tone et Kaly Live Dub, dans le cadre de mon enquête sur la scène française en 2002. Une grosse claque à l'époque. Et l'an dernier au Transbordeur, j'ai vu un des plus beaux concerts en quatorze ans de TDF. Une création qu'on avait mis en place : Joe Pilgrim and the Ligerians mixé live sur scène par Pilah de Kaly Live Dub. Un set exceptionnel où j'ai retrouvé l'essence même du dub des origines avec un reggae roots dubbé en live de façon magistrale. Je crois que tous ceux qui étaient présents s'en souviendront longtemps. Ce live sera d'ailleurs présenté à Besançon le 10 novembre, la veille de Lyon. Avis aux amateurs !

À quoi doit-on s'attendre au Transbordeur ? Il y a, comme régulièrement au Télérama Dub, un artiste n'évoluant pas dans la sphère dub programmé avec un side project, Cosmic Neman... Comment se passe le choix de ce genre de projets : proposition d'un tourneur ? Commande de création de votre part ?
Au Transbordeur, toutes les facettes du dub seront représentées. Du sound-system avec les pionniers anglais Zion Train, toujours en grande forme, sur leur sono, mais aussi les Italiens de Moa Anbessa et Soom T. Du live aussi avec les Autrichiens de Dubblestandart, un groupe que j'adore dans la lignée d'On U Sound, mais aussi les excellents OnDubGround, qui incarnent, à mon avis, le futur du dub en France, et Full Dub.
Du live machine avec Krak in Dub, plus orienté drum'n'bass. Et un DJ set de Cosmic Neman (Zombie Zombie). Pour lui, j'avais entendu une mixtape de Zombie Zombie totalement dub enregistrée pour le magazine Vice en Italie. Je me suis dit que ce serait cool de demander un DJ set dub à l'un d'eux.

Autrement pour les créations, ça marche dans les deux sens : certains artistes nous contactent avec une idée ou nous en contactons certains pour leur faire des propositions. Mais une création coûte de l'argent forcément, et c'est parfois compliqué, mais c'est tellement excitant. Et le dub se doit d'être une rencontre entre des esthétiques différentes, entre des musiciens. Le genre se prête à toutes les expérimentations.

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