Sens Dessus Dessous / La Maison de la Danse se la joue Sens Dessus Dessous comme chaque début de printemps et s'offre un pas de côté régénérant pour voir de la danse autrement. Dominique Hervieu (sa directrice et programmatrice) invite à la curiosité pour (re)découvrir des artistes, souvent radicaux et jusqu'au-boutistes, qui expérimentent autour du mouvement vers de nouveaux territoires artistiques.
Comment concevez-vous la programmation de Sens Dessus Dessous ?
Dominique Hervieu : Ce qui m'importe ici, c'est de montrer d'autres aspects de la danse. Des œuvres moins fédératrices, à voir sur des jauges réduites (de 300 à 400 places). Ma programmation est bien sûr liée à l'actualité de la création. C'est aussi fonction des artistes que je souhaite accompagner. Je pense à Oona Doherty ou Jann Gallois (artistes associées dans le cadre du Pôle Européen de Création). S'ajoutent à cela les vrais coups de cœur. Comme Nacera Belaza. Elle viendra au Musée des Confluences faire vivre aux visiteurs une expérience assez unique. Il y a dans sa démarche un rapport vraiment contemporain associé à une dimension répétitive, spirituelle et même ethnographique.
Les femmes, au cœur de votre programmation ?
J'ai souhaité mettre en avant cette nouvelle génération de jeunes femmes chorégraphes (Jann Gallois, Oona Doherty) qui incarne un vrai renouveau féminin dans la création artistique internationale. Souvent issues du mouvement hip-hop, elles s'en éloignent et s'en émancipent, mais elles sont fortes et on ne peut pas passer à côté d'elles. En même temps, je voulais programmer cette pièce And so you see... (jamais vue à Lyon) de Robyn Orlin avec un performer transgenre hallucinant. Oui, il s'agit de regards de femmes avec une vraie dimension politique. Et tous leurs partis-pris et positions très affirmés m'intéressent.
Une édition particulièrement sérieuse?
C'est l'actualité de la création qui veut cela. Ces jeunes artistes trentenaires sont des produits de la société actuelle. Elles ont été confrontées aux crises financières, aux nouvelles façons de produire des œuvres. Elles sont sur des engagements citoyens très forts. Alors cela se ressent dans leurs œuvres. Avec sans doute des pièces qui vont faire débat à la clé. Je pense à Maguy Marin avec son Deux mille dix-sept. Extrêmement engagé et frontal. Tant mieux si la danse s'empare de façon aussi directe des sujets actuels.
Un festival qui pose le principe d'une « danse comme lieu de réflexion politique » ?
Oui, même si certaines sont moins directes que d'autres. Jann Gallois exprime esthétiquement un sujet très politique (le vivre ensemble, la capacité des êtres humains à créer du commun), mais elle le résout en cherchant du mouvement. Car c'est une chercheuse de mouvement. Son point de départ est sous forme de contrainte ou d'une image (être lié les uns aux autres) et de là, à partir d'improvisations extrêmement rigoureuses, elle déploie une syntaxe et un langage. Alors que chez Maguy Marin c'est direct, frontal et totalement assumé. Robyn Orlin, quant à elle, aborde cette dimension politique par l'humour et le portrait ; elle réussit à questionner des sujets forts (l'homophobie, la discrimination en Afrique du Sud).
Une suggestion pour faire le grand écart dans la programmation ?
Je dirai Robyn Orlin et Jann Gallois. Deux générations, un vrai grand écart. La pièce de Robyn, plus proche de la performance que de la danse, est plutôt théâtrale car ce qui importe c'est le message. A contrario Jann crée du mouvement, elle est dans la filiation de la danse post-moderne.
Festival Sens Dessus Dessous : Women !
À la Maison de la Danse, Pôle En Scènes et Musée des Confluences du 22 février au 5 mars
Les chemins de traverse du Festival Sens Dessus Dessous
Dominique Hervieu et la Maison de la Danse annoncent la couleur : l'édition 2018 sera féminine (Jann Gallois, Oona Doherty), militante et politique avec des œuvres engagées qui risquent de faire débat. Tel le Deux mille dix-sept de Maguy Marin qui pourrait être aussi intense physiquement pour les danseurs que mentalement pour le public. Tout aussi décoiffant le solo ambiance queer d'Albert Ibokwe Khoza (danseur, acteur et guérisseur) ou le travail prometteur - entre danse et techno, film et performance - du jeune collectif (La) Horde. Pour esprits libres et curieux.