Initiatives / L'association Singa, dont une émanation est active à Lyon depuis 2015, n'œuvre pas pour les réfugiés. Elle agit avec. Et c'est toute la différence, cette inclusion, permettant à chacun d'apprendre à connaître l'Autre, de découvrir comment construire ensemble en combinant les compétences. Précieux.
Singa ?
Margot Chevignard : C'est une association née en 2012, à Paris, fondée par trois amis, Nathanaël Molle, Guillaume Capelle et Alice Barbe. Leur constat : les personnes réfugiées ont énormément de barrières bloquant leur intégration socio-économique dans leur société d'accueil. Pourquoi ? La plupart des Français qu'ils connaissaient sont payés pour les accompagner. Bizarrement, ils vivent en France, mais c'est difficile pour eux de rencontrer la société qui les accueille. En parallèle, il y a une image très négative des personnes réfugiées, les médias confondent les termes, on parle de vague, de flux... Alors que les réfugiés sont des personnes, avec des compétences, des expériences. Des envies. Toute cette partie est souvent éludée.
Ils se sont dit : comment faire pour permettre une meilleure intégration ? L'idée : la rencontre. Les deux entendent beaucoup parler l'un de l'autre, mais ne se connaissent pas. Donc, créer des espaces pour permettre les rencontres et permettre aux personnes réfugiées une meilleure compréhension de la société dans laquelle ils vivent. Et offrir un autre regard aux accueillants. C'est de là que Singa est né. À Lyon, on a commencé en 2015.
Chaque chose faite par Singa est un prétexte à la rencontre. À partir de là, c'est assez ouvert. Mais nous ne faisons pas "pour" les personnes réfugiées, nous ne sommes pas une association d'aide : nous faisons "avec". Notre bénéficiaire, c'est la société. Tout le monde y gagne. Chacun vient avec ses compétences et ses envies. L'horizontalité est présente dans tout ce que l'on fait. C'est un mouvement citoyen, porté par ses membres. Notre mission est réussie quand les projets ne sont plus portés par Singa, quand les rencontres se font à l'extérieur de l'association.
Financement ?
Il y a sept villes en France et sept pays où sont implantés Singa. Chacun a un modèle différent. En France, ç'a été lancé avec un financement de la fondation La France s'engage. Nous sommes encore principalement sur ce financement-là. L'idée est d'avoir un modèle économique ne dépendant pas uniquement des subventions, hybride, nous sommes dans cette recherche pour être pérenne. La thématique des réfugiés est à la mode, mais dans trois ans, on ne sait pas...
À Lyon, nous avons un incubateur qui accompagne des personnes réfugiées dans leurs idées mais aussi des Français qui incluent l'intégration dans leurs projets. Là, ce sont des financements privés. Nous avons aussi un programme d'accueil de réfugiés chez l'habitant, CALM. Ici, c'est le ministère du Logement qui nous finance.
Lyon ?
Trois missions : informer, connecter et innover. On a ce rôle de changement de regard, on informe : nous ne sommes pas des juristes, mais on sensibilise, sur les mots employés dans les médias, sur le parcours d'un demandeur d'asile. Pour que les personnes comprennent : qu'est-ce qu'un demandeur d'asile ? Que veut dire être débouté ? Les médias, souvent, mélangent, car ce n'est pas si facile. Il y a aussi une part d'information inter-culturelle. C'est sympa de se rencontrer, mais il peut y avoir de véritables questions qui se posent et peuvent interloquer.
Et nous sommes sur de l'innovation : une application va sortir pour que les personnes puissent se mettre en lien directement. Nos innovations sont technologiques, mais aussi sociales, pour que les gens puissent se rencontrer différemment. Il faut s'adapter, ne pas rester figé.
Nos trois pôles à Lyon sont : d'abord, "passion", avec tous les ateliers, lancés à l'initiative des membres, une quinzaine par semaine. Et des événements, ponctuels. On a le programme "buddy", au sein de ce pôle. Notre vocabulaire ici c'est "nouvel arrivant" et "local". Les personnes réfugiées, les demandeurs d'asile, les étudiants étrangers : ce sont des statuts. On a préféré se dire qu'il y a ceux qui ont les codes de la société, et ceux qui ne les ont pas. On fait la mise en relation.
Le second pôle est "professionnel", avec l'incubateur. Il y a aussi le programme "réfugiés engagés", pour mettre en relation des nouveaux arrivants qui souhaitent être bénévoles et des associations qui en ont besoin. La demande d'asile peut être assez longue, et le demandeur n'a pas le droit de travailler pendant cette période. Souvent, ces personnes alors s'ennuient, elles ont des compétences qu'elles ont envie de mettre à profit : ce programme vise à répondre à ce besoin.
Le dernier pôle, c'est "CALM" : on met en relation des personnes réfugiées qui souhaitent habiter chez des personnes françaises, sur de longues durées. Ce n'est pas juste une solution d'hébergement : il faut avoir envie de se rencontrer et de cohabiter. Si on n'est pas prêt à ça, ça ne marche pas.
Incubateur ?
La première promotion aura terminé en août prochain, après six mois d'accompagnement. Parmi les thématiques récurrentes des projets, il y a la nourriture. On un traiteur, un foodtruck... Ça revient souvent, car ça rassemble. Il y a aussi une personne qui veut lancer sa marque de thé de Jordanie. Gladeema, qui a réalisé son documentaire. Une personne qui lance une association pour sensibiliser à la situation des femmes au sud Soudan. Certains étaient déjà entrepreneurs dans leur pays.
Culture ?
On a travaillé avec le festival Attable, avec le Lyon BD Festival ou encore avec le Théâtre des Célestins. C'est selon les rencontres. Avec Arty Farty, on a aussi collaboré sur Nuits sonores, mettant en relation des buddys avec l'organisation pour être bénévoles. On va faire pas mal de choses avec le CCO de Villeurbanne, prochainement. On essaye de faire des ponts. Plusieurs théâtres, comme les Clochards Célestes, nous donnent des places également.
Projets ?
Un événément le 26 juin à 19h, au CCVA de Villeurbanne : Inspire. Ce sont des conférences sous le format TedX. Dix minutes chrono pour des speechs inspirants et énergiques, par sept intervenants membres de Singa, sur le thème de l'inclusion, de la rencontre. On va les filmer et les diffuser : toujours cette idée de changer le regard.
Inspire
Au CCVA de Villeurbanne le mardi 26 juin à 19h