Photographie / L'Abat-Jour présente la belle série "Passager" d'Arnaud Brihay. Un photographe de l'entre-deux, et de la suggestion poétique et visuelle.
L'œuvre d'Arnaud Brihay (né en 1972 en Belgique, vivant à Lyon depuis une vingtaine d'années) vibre de ses usages fréquents de la saturation (de lumières, de couleurs) et du flou. Saturations et flou qui nimbent ses photographies d'une étrangeté tour à tour attirante ou inquiétante. Ses déserts d'Arabie Saoudite, par exemple, sont écrasants de chaleur orangée, et ses errances en Irlande se retrouvent comme engluées dans une matière lumineuse fondante... Les "saturations" du photographe peuvent relever encore de l'ordre de la matière (terre, sable, herbes...), de formes géométriques accumulées, de feuillages et de ramages particulièrement denses... L'œil ici hallucine la réalité, c'est-à-dire la tord, l'épuise, la métamorphose, l'arrache au réel et l'y confronte en même temps. Dans des chambres d'hôtel, des cabines d'avion, des taxis, dans des rues ou des couloirs, Arnaud Brihay capte ainsi des fragrances, des éclats, des énigmes.
Déplacements
Au-delà de quelques tâtonnements artistiques et facilités stylistiques, vite oubliés, Arnaud Brihay prend des risques plastiques et réussit souvent à tout emporter par l'émotion, la rencontre visuelle inattendue entre des motifs, la suggestion à teneur parfois mélancolique... Il montrera à l'Abat-Jour sa série Passager, terme où l'on peut entendre à la fois sa vie personnelle de voyageur invétéré, et le passage existentiel et temporel des formes, des lieux, des êtres. Tout est en mouvement incertain, et le "narcissisme", l'identité de l'artiste s'arrache à elle-même dans le déplacement concret à l'étranger, comme dans le déplacement du regard : pour entrer dans cette zone floue et ontologiquement dangereuse d'un entre-deux, entre soi-même et l'Autre, entre la réalité et son hallucination. À l'instar de cette silhouette humaine marchant dans un couloir (de métro ?) à Moscou, au sein de ce passage tissé de mouvement, de lumière floue, d'aplats verts et d'un sol carrelé mal ajusté.
Arnaud Brihay, Passager
À L'Abat-Jour jusqu'au 17 novembre