Théâtre / La Comédie Odéon ose un pari rare dans nos contrées : programmer une pièce plus de quatre mois. Le moliérisé Porteur d'Histoire se présente avec un casting lyonnais. À demi-convaincant.
C'est une pièce page-turner comme il existe des livres. Tout s'imbrique de sorte qu'aucune respiration n'est possible. Bluffant au premier abord mais pas forcément très consistant. Cinq comédiens (dont deux formés à l'ENSATT), choisis parmi un casting qui a mobilisé 480 candidatures, se présentent neutres : marcel blanc / pantalon, pour ensuite endosser une multitude de rôles et autant de costumes à un rythme infernal. Toute la réussite de ce spectacle créé en 2014 par Alexis Michalik (et qui se joue encore actuellement à Paris) tient en sa capacité à tuiler ses scènes. Car voici que nous sommes au cœur d'un fait divers. Au fin fond de l'Algérie, un homme vient porter une histoire pas tout à fait par hasard. Continuellement en alternance entre la première et la troisième personne du singulier, l'intrigue va notamment dérouler la vie de Martin Martin qui, dans les Ardennes, se retrouve à devoir faire de la place dans un cimetière pour enterrer son père. Il déplacera une vieille tombe lestée de manuscrits inédits. Cette plongée dans la vie d'une certaine Antès le mènera à Alexandre Dumas, Eugène Delacroix puis aux Lysistrates, une société secrète !
Tout est fiction
Vrai ou faux, ce récit vaut par sa fluidité, sa capacité à faire des allers-retours entre aujourd'hui (les 80's caractérisées par le débat présidentiel de l'entre deux tours 1988) et l'Antiquité. Sauf que tout cela est au service de quoi sinon cette cascade de récits ? Difficile de comprendre l'évocation de la colonisation algérienne évoquée mais pas empoignée, ou même encore la Révolution française. Et fatalement à ce rythme (1h35 pour tout dire), il faut avancer à gros traits, car toutes les situations doivent s'installer en une fraction de seconde, d'où des costumes attendus (robe-tournure, toges...) et la quasi absence de décor (un tableau noir et quelques tabourets).
Bien sûr, tout cela fonctionne, c'est indéniable. Les comédiens sont la pierre angulaire de ce maelstrom et jouent parfaitement le jeu. Cependant, à trop être multipliés, les sujets ne sont qu'effleurés et aucun n'est vraiment traité si ce n'est celui – et c'est la meilleure partie – de ce couple en voie de séparation. Leur dialogue au téléphone, face au public et sans se regarder, sont de ceux que peut-être, plus banalement certes et sans effet de saturation, il aurait été intéressant de voir se développer. C'eut été un autre spectacle et ce n'est pas le propos.
Le Porteur d'histoire
À la Comédie Odéon jusqu'au 2 février