Katinka Bock, à rebours de l'élucidation du monde

Katinka Bock, à rebours de l'élucidation du monde
Katinka Bock

Institut d'Art Contemporain

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Art Contemporain / Pour son quarantième anniversaire, l'Institut d'Art Contemporain présente deux expositions particulièrement réussies : une monographie consacrée à Katinka Bock et un florilège d'œuvres de ses collections qui résonne avec le parcours proposé par l'artiste allemande.

Quand Katinka Bock (née en 1976 à Francfort-sur-le-Main en Allemagne) aborde un lieu d'exposition, elle réfléchit à son architecture, à ses dimensions spatiales, et à son contexte social et historique. À Villeurbanne, le quartier utopiste des Gratte-Ciel datant des années 1930, le passage de l'horizontalité à la verticalité, le passé ouvrier, la modernisation urbaine ont été des éléments sensibles à l'artiste. Mais ceux-ci se retrouvent comme encapsulés, enveloppés, dans des œuvres et un parcours sans signification évidente, sans dimension représentative directe. Quand nous découvrons la première salle de Tomorrow's sculpture, les mots qui nous viennent à l'esprit sont : ça pend, ça se plie, ça craquelle, ça se fend, ça s'entasse... Comme autant de « signifiants formels » (selon le concept du psychanalyste Didier Anzieu) qui effleurent le sens mais demeurent en deçà de toute narrativité claire, de toute figure rationnellement découpée, de toute trame temporelle. Un cylindre est suspendu au creux d'un filet, des céramiques à l'aspect mollement plié apparaissent ici et là, une sorte de sarcophage est couché sur un sol craquelé... Quelques photographies noir et blanc évoquent encore par fragments la présence du corps humain.

À l'insu du visiteur

Avec beaucoup de délicatesse et de simplicité, Katinka Bock suggère, déroute, ouvre : du sens, des perspectives, des liens. Ailleurs, de drôles de câbles surgissent des cloisons sans fonction évidente ; un radiateur incongru trône au milieu d'une salle et semble être au centre d'un curieux réseau de tuyaux en cuivre ; de véritables cactus mêlés de plâtre et de bronze s'érigent du sol, du plafond et des murs ; un nuage d'écorces mêlées de bronze s'étend au-dessus de nous... Ce sont autant de petits ou de plus grands événements plastiques faits de rencontres. Rencontres entre matériaux dissemblables, rencontres entre le haut et le bas, entre la forme et l'informe, entre une sensation et son contraire.

D'autres mini-événements ont lieu quasiment à l'insu du visiteur, comme de l'eau qui s'évapore d'un vase suspendu en hauteur, l'écoulement discret de gouttes d'eau entre deux grandes vitres posées contre une chaise, la circulation de chaleur entre plusieurs pièces du musée... Katinka Bock parvient ainsi à nous perdre dans l'espace, le sens, le temps (est-on en effet au milieu d'un processus, à son origine, ou bien devant des ruines ?). L'expérience vécue ici est fondamentalement matérielle, en-deçà des mots, des ressemblances, de toute forme de symbolisation.

Œuvres en résonances

Cette "dé-symbolisation" quasi régressive proposée par Katinka Bock redonne aux choses, à la matière, au réel une potentialité nouvelle de ré-agencement, de redécouverte et d'invention poétique.

Et pour compléter l'exposition de l'artiste allemande, l'Institut d'Art Contemporain a eu la très bonne idée de présenter plusieurs œuvres de sa collection résonnant avec cette régression matérielle, ce retour à l'inorganisé. Dove Allouche parle en ce sens de Désublimation à propos d'une série d'images de cascades où l'on ne perçoit plus concrètement qu'un flux matériel atmosphérique. Ailleurs, le corps nu de Pierre Minot se fond parmi des paysages et la glaise. Linda Sanchez retrace au crayon sur papier les trajectoires erratiques d'une goutte d'eau.

Anaëlle Vanel réinterroge l'histoire politique et culturelle à partir de photographies de lieux emblématiques rendues énigmatiques par tout un travail de surimpressions, de "bougés", de dissonances visuelles. Ses images sont accompagnées de phrases inscrites sur les cimaises, dont celle-ci, qui pourrait réunir l'ensemble des œuvres présentées par Katinka Bock et les autres artistes de l'IAC : « J'irai à rebours de l'élucidation du monde ».

Katinka Bock, Radio / Tomorrow's sculpture
À l'Institut d'Art Contemporain ​jusqu'au 20 janvier

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